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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

détraque et se révolte. Il y a alors mise en danger <strong>de</strong> la hiérarchie <strong>de</strong>s créatures et <strong>de</strong><br />

l’équilibre du mon<strong>de</strong>.<br />

Dans L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir, le narrateur et Hélène entrent <strong>dans</strong> une<br />

baraque <strong>de</strong> foire avec l’intention <strong>de</strong> s’amuser, « consentant à nous contenter d’amusements<br />

enfantins (et à nous amuser), piqués d’étonnement et décidés à nous divertir, quoi qu’il<br />

advienne (…) » (EMM, 13). <strong>Le</strong> <strong>fantastique</strong> commence par l’amusement, l’étonnement,<br />

pour « appâter » et débouche sur un prometteur « quoi qu’il advienne ». Ils s’embarquent<br />

sur un traîneau piloté par un nain et rencontrent un ermite. Qui est cet ermite ? Hélène et le<br />

narrateur doutent <strong>de</strong> son i<strong>de</strong>ntité. Il adresse la parole aux visiteurs. Il est revêtu d’un<br />

capuchon et d’une robe <strong>de</strong> bure grise, d’un masque, <strong>de</strong> gants, <strong>de</strong> sandales à bouts carrés qui<br />

le dissimulent. En cela, il ressemble aux automates du parc du Hesdin. Est-il un automate ?<br />

<strong>Le</strong> doute s’exprime par le choix <strong>de</strong>s verbes,<br />

Soupçonner sous l’épais volet <strong>de</strong> bure <strong>de</strong> la robe et du capuchon autre chose qu’un corps<br />

d’homme, un ingénieux mécanisme dont Dieu n’était plus responsable, nous vint à l’esprit.<br />

(EMM, 16)<br />

L’utilisation du verbe pouvoir avec un sens hypothétique,<br />

(…) au temps <strong>de</strong> Philippe le Bon il pouvait y avoir, parmi les automates ingénieux groupés <strong>dans</strong><br />

le parc du Hesdin, un ermite artificiel ainsi appelé. (EMM, 44)<br />

<strong>Le</strong> doute est renforcé par l’utilisation <strong>de</strong> « ou » qui laisse l’interprétation libre :<br />

« Gris et brun son gant. Ou sa peau, grise et brune. Ou ses os. » (EMM, 34), l’utilisation<br />

fréquente <strong>de</strong> « peut-être » : « Peut-être est-ce lui, dit Hélène, après avoir réfléchi. Peut-être<br />

portait-il déjà sous son capuchon un masque <strong>de</strong> miroir » (EMM, 45), l’interrogation et les<br />

parenthèses : « (Mais avait-il un cerveau ?) ». <strong>Le</strong>s propos <strong>de</strong> l’ermite lui-même ne nous<br />

éclairent guère : « <strong>Le</strong>s conditions <strong>de</strong> ma naissance sont obscure et suspectes » (EMM, 63).<br />

Son statut d’ermite retiré au fond d’une baraque <strong>de</strong> foire non plus. <strong>Le</strong> <strong>de</strong>scriptif met en<br />

scène un personnage équivoque :<br />

En guise <strong>de</strong> réponse, il fit glisser silencieusement sa langue d’orvet entre ses grosses lèvres<br />

contractées et tuméfiées par le métal <strong>de</strong> la bouche, gesticulant très haut <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux bras à droite et à<br />

gauche, il me donna, au lieu d’un itinéraire précis, un vague conseil. (EMM, 49)<br />

L’ermite parle une langue métallique. Sa bouche est rocailleuse. Son discours précis, mais<br />

défiguré quelquefois par un bourdonnement coupé d’éructations, <strong>de</strong> hoquets et <strong>de</strong> basses notes<br />

grondantes montant du fond du ventre. (EMM, 62)<br />

Un vocabulaire équivoque se rapporte à une machine (« métal », « métallique »),<br />

à un être humain (« langue, « lèvre », « bras », « bouche », « discours », « ventre »), à<br />

l’animal (« orvet », « bourdonnement », « grondantes »), au mon<strong>de</strong> minéral<br />

(« rocailleuse »). Ce mélange fait songer à ce que <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> appelle le <strong>fantastique</strong> <strong>de</strong>s<br />

associations insolites, <strong>de</strong>stiné à éveiller « la surprise, la curiosité, le plaisir <strong>de</strong> l’inhabituel –

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