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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

menacée par la <strong>de</strong>struction. Terence retrouve plus tard la même figure féminine <strong>dans</strong><br />

d’autres villes dont les décors sont comparables. Toutefois, leur nature labyrinthique se<br />

précise davantage :<br />

Pendant que nous marchions côte à côte <strong>dans</strong> les ténèbres, la femme m’expliquait d’une façon<br />

précise, didactique, la topographie <strong>de</strong> cette ville où nous étions, et dont j’ignorais la configuration<br />

intérieure (…) « Elle est, cette ville, disait-elle, divisée par douze canaux concentriques, refermés<br />

sur eux-mêmes, pareils à <strong>de</strong>s colliers <strong>de</strong> plus en plus étroits jusqu’à serrer <strong>de</strong> façon fatale le cou <strong>de</strong><br />

la femme qui les porte. (OAM, 230-231)<br />

L’image <strong>de</strong>s quartiers en forme d’anneaux communiquant par <strong>de</strong>s ponts appelle<br />

celle du centre vers lequel le cheminement reste difficile, hypothétique, exige une longue<br />

errance et une recherche :<br />

Il n’était pas impossible cependant que, plusieurs fois, sans y prendre gar<strong>de</strong>, nous fussions<br />

revenus sur nos pas, traversant à diverses reprises les mêmes ponts <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s directions différentes.<br />

(…) Je voulus savoir, toutefois, puisque notre marche erratique embrouillait notre itinéraire<br />

comme une pelote <strong>de</strong> cor<strong>de</strong> emmêlée, si nous nous dirigions vers le centre <strong>de</strong> la ville ou si nous<br />

nous en éloignions. (OAM, 231-232)<br />

L’image <strong>de</strong> la pelote <strong>de</strong> cor<strong>de</strong> rappelle le motif du fil d’Ariane. <strong>Le</strong> narrateur<br />

prend conscience que le mouvement suivi obéit à la logique <strong>de</strong> la spirale, mot repris<br />

plusieurs fois et qui jalonne le récit, et qui, <strong>dans</strong> la perspective labyrinthique, « réserve au<br />

terme d’une longue errance et d’une constante patience, le réconfort du salut, c'est-à-dire<br />

l’arrivée <strong>dans</strong> la chambre intérieure » 411 .<br />

La ville labyrinthique est d’abord un entrecroisement <strong>de</strong> rues, un écheveau <strong>de</strong><br />

chemins, ce qui correspond à la définition donnée par <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> : « <strong>Le</strong> labyrinthe est,<br />

essentiellement, un entrecroisement <strong>de</strong> chemins, dont certains sont sans issue et constituent<br />

ainsi <strong>de</strong>s culs <strong>de</strong> sac, à travers lesquels il s’agit <strong>de</strong> découvrir la route qui conduit au centre<br />

<strong>de</strong> cette bizarre toile d’araignée » 412 . Dans L’Ombre d’un arbre mort, le plan compliqué<br />

<strong>de</strong>s rues et <strong>de</strong>s quais brouille les pistes, contraint à un mouvement incertain, désoriente et<br />

provoque le doute <strong>de</strong> celui qui s’avance parmi <strong>de</strong>s sortes d’antichambres se succédant les<br />

unes aux autres.<br />

Ce labyrinthe possè<strong>de</strong> plusieurs niveaux. Celui <strong>de</strong>s rues se répète <strong>dans</strong> le<br />

mouvement <strong>de</strong>s canaux. Dans Algues, le labyrinthe possè<strong>de</strong> son double <strong>dans</strong> le sous-sol,<br />

<strong>dans</strong> la succession <strong>de</strong>s caves. Des voies souterraines reproduisent le dédale supérieur, et<br />

débouchent sur <strong>de</strong>s grottes marines, c'est-à-dire mènent à un labyrinthe naturel en lien avec<br />

l’intériorité <strong>de</strong> la terre. <strong>Le</strong> tracé <strong>de</strong> la ville est donc très ancien, en relation avec un mon<strong>de</strong><br />

411 Ibid., p.199.<br />

412 Ibid., p.197.

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