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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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305<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

certains événements que nous ne pourrions pas connaître autrement, qui nous transportent<br />

littéralement ailleurs. 497<br />

Dans les romans, ces différents <strong>de</strong>grés du rêve s’entrelacent, et nous glissons d’un<br />

étage à un autre. C’est ce qui justifie les successions et les emboîtements <strong>de</strong> rêves. Nous en<br />

trouvons un exemple intéressant <strong>dans</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s rêves que fait le personnage principal<br />

<strong>de</strong> Château d’ombres, avant que Marianne ne lui permette d’accé<strong>de</strong>r au château (CO, 160 à<br />

164). <strong>Le</strong> premier et le <strong>de</strong>uxième rêve sont liés au souvenir d’événements récents qui<br />

représentent <strong>de</strong>s moments charnières <strong>dans</strong> la narration. <strong>Le</strong> premier rêve est à mettre en<br />

relation avec le prologue et le début du roman. On y trouve les mêmes éléments <strong>de</strong> décor :<br />

une évocation <strong>de</strong> la faça<strong>de</strong> du château, <strong>de</strong>s bois et <strong>de</strong>s jardins, d’une grille dorée. Mais le<br />

rêve nous offre une <strong>de</strong>scription plus détaillée que le prologue, ce qui montre que la<br />

connaissance <strong>de</strong>s lieux a évolué. La « faça<strong>de</strong> <strong>de</strong> hauts bâtiments classique » du prologue<br />

<strong>de</strong>vient une « longue faça<strong>de</strong> classique à pilastres, les ailes avancées avec leurs combles<br />

aigus, les statues encadrant la porte, le bas-relief encastré entre <strong>de</strong>ux fenêtres du premier<br />

étage, qui représentait un triomphe romain » (CO, 160). La « longue grille dorée à laquelle<br />

on accè<strong>de</strong> par une montée en plan incliné » du prologue <strong>de</strong>vient « une grille dorée, qui<br />

fermait tout un côté du domaine, isolait du reste du mon<strong>de</strong> le royaume botanique du<br />

surintendant <strong>de</strong>s jardins » (CO, 160). Grâce au rêve, le lecteur progresse <strong>dans</strong> la<br />

connaissance <strong>de</strong>s lieux, la <strong>de</strong>scription étant plus complète et plus précise. En ce qui<br />

concerne les sentiments éprouvés, nous retrouvons les mêmes émotions, mais avec une<br />

certaine gradation. L’envie <strong>de</strong> rechercher et <strong>de</strong> revoir le château se transforme <strong>dans</strong> le rêve<br />

en « exaltation », à laquelle se mêle désormais une sensation <strong>de</strong> danger qui fait suite à la<br />

« curieuse sensation d’inquiétu<strong>de</strong> » qui dès le début accompagne le narrateur.<br />

<strong>Le</strong> <strong>de</strong>uxième rêve est en relation avec le moment où le narrateur s’installe <strong>dans</strong> la<br />

chambre qui lui a été proposée par Marianne et sa mère. Il s’agit <strong>dans</strong> le récit d’un autre<br />

seuil. De nouveau le narrateur s’installe <strong>dans</strong> le fauteuil. <strong>Le</strong>s éléments du décor sont les<br />

mêmes. Mais le rêve introduit <strong>de</strong>s éléments qui lui sont propres. <strong>Le</strong>s accoudoirs du fauteuil<br />

sont « souples et fuyants », la chambre s’arrondit « comme une coquille ». <strong>Le</strong> décor du<br />

rêve gagne en fluidité, et un lecteur habitué reconnaît les lieux symboliques où peut avoir<br />

lieu une phase préparatoire à un processus initiatique. Dans ce lieu <strong>de</strong> halte, le narrateur a<br />

la sensation d’un dédoublement : « Je sentais une partie <strong>de</strong> moi-même se défaire, se<br />

dissoudre (…). Cette division <strong>de</strong> l’être ne me causait aucune angoisse » (CO, 161). C’est là<br />

peut-être une allusion à ce dédoublement qui se produit chez le héros au début du roman.<br />

497 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « <strong>Le</strong> Soleil noir <strong>de</strong> la mélancolie : Gérard <strong>de</strong> Nerval », <strong>dans</strong> Suite <strong>fantastique</strong>, op.<br />

cit., p.203.

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