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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

offre un objet, « ca<strong>de</strong>au inconnu », « étrange présent », qui délivre un message non élucidé.<br />

À nouveau il est fait allusion à <strong>de</strong>s rites antiques :<br />

D’une éraflure causée par l’arrête tranchante d’un médaillon, un peu <strong>de</strong> sang coulait. Ces gouttes<br />

qui avaient taché le mouchoir me troublèrent ; je pensai à un sacrifice, à une libation. Je pensai, je<br />

ne sais pourquoi, au sacrifice qu’on ne <strong>de</strong>vait pas oublier <strong>de</strong> faire, d’un coq promis à Esculape.<br />

(RC, 48)<br />

Ce médaillon vient prendre place à côté <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux autres objets très importants <strong>dans</strong><br />

le roman : la rose <strong>de</strong> cire et la tabatière à musique. Autour <strong>de</strong> ces trois objets se noue<br />

l’ensemble <strong>de</strong> l’intrigue. La femme rencontrée n’a pas <strong>de</strong> nom. L’i<strong>de</strong>ntification incomplète<br />

tend à faire penser que ce personnage ne fait pas complètement partie du mon<strong>de</strong> connu.<br />

Elle gar<strong>de</strong> par conséquent une gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong> mystère.<br />

Ces femmes énigmatiques agissent <strong>dans</strong> les romans comme <strong>de</strong>s « Mères » tel que<br />

l’entend Goethe <strong>dans</strong> le second Faust, c'est-à-dire <strong>de</strong>s puissances souterraines, venues <strong>de</strong><br />

territoires obscurs, chargées <strong>de</strong> donner un signe, <strong>de</strong> désigner un itinéraire, d’emmener<br />

ailleurs. Elles proposent un changement <strong>de</strong> cap, jouent un rôle important d’initiation sur<br />

lequel nous reviendrons. Elles « façonnent la <strong>de</strong>stinée d’un homme », préparent sa<br />

métamorphose, et permettent son passage vers un mon<strong>de</strong> différent.<br />

Algue est aussi associée à un univers sonore. Lorsqu’elle apparaît <strong>dans</strong> le roman,<br />

elle est d’abord invisible. <strong>Le</strong> narrateur entend sa voix chantante <strong>dans</strong> le parc d’attraction<br />

qui le surprend, le ravit et livre une parole oraculaire : « Accomplis-toi en détruisant ce<br />

vieil instinct en toi vers ce qui stagne » (A, 30). <strong>Le</strong> narrateur se sent solidaire <strong>de</strong> cette voix,<br />

éprouvant « sa grave et haute beauté », et part à sa recherche. Algue est une créature<br />

ambiguë, mi-humaine mi-élémentaire, liée à l’eau et à la terre. De vieilles gens, <strong>dans</strong> la<br />

ville racontent qu’elle est la fille d’une sirène et d’un humain, son père Olovsen, et<br />

Olovsen lui-même, pourtant collectionneur et passionné d’algues, déclare : « Elle connaît<br />

les algues mieux que moi-même, elle est une algue » (A, 126). Lorsqu’elle se trouve <strong>dans</strong><br />

les étages inférieurs <strong>de</strong> la maison <strong>de</strong> son père, l’atmosphère souterraine <strong>de</strong> ce territoire <strong>de</strong><br />

frontière fait d’elle une « créature à part, d’une autre espèce qu’humaine » (A, 128).<br />

À ces figures féminines s’ajoutent <strong>de</strong>s figures masculines, tel cet Ermete <strong>de</strong>i<br />

Marmi dont nous avons déjà parlé, personnage central <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes.<br />

Dans ce roman, et <strong>dans</strong> L’Ombre d’un arbre mort, il est, nous dit Wolfgang Friedrichs,<br />

« l’incarnation du psychopompe divin que la mythologie antique situe sur le seuil <strong>de</strong> l’au<strong>de</strong>là.<br />

173 » Ce personnage a en effet toutes les caractéristiques du dieu Hermès. Il en a<br />

d’abord l’apparence physique. Dans l’art grec, il est représenté barbu, vêtu d’un manteau<br />

173 Wolfgang Friedrichs, Rituale <strong>de</strong>s Übergangs, op. cit., p.411.

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