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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

initiatique. Faust lui aussi, le héros <strong>de</strong> Goethe, plonge au royaume <strong>de</strong>s « Mères » pour aller<br />

chercher <strong>dans</strong> l’Hadès l’ombre d’Hélène 431 .<br />

Une même conception se développe <strong>dans</strong> l’art <strong>fantastique</strong>, et <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> se<br />

nourrit à la fois <strong>de</strong> la littérature et <strong>de</strong> l’art qu’il a étudiés, en particulier l’art <strong>de</strong> la gravure.<br />

L’enfer y est représenté, <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s œuvres telles que celles <strong>de</strong> Jacques Callot, John Martin,<br />

Goya ou Piranèse. L’enfer <strong>de</strong> Jacques Callot se développe autour <strong>de</strong> la personnalité <strong>de</strong><br />

saint Antoine 432 . L’enfer entreprend <strong>de</strong> le tenter, <strong>de</strong> déployer autour <strong>de</strong> lui, perdu et<br />

submergé <strong>dans</strong> un coin <strong>de</strong> l’image, ses prodiges les plus redoutables. Jacques Callot suit la<br />

tradition ouverte par Jérôme Bosch, par Brueghel et convoque toute une galerie <strong>de</strong><br />

monstres sur une scène digne <strong>de</strong> celle d’un opéra. <strong>Le</strong> peintre et graveur anglais John<br />

Martin, contemporain <strong>de</strong> William Blake, illustre le Paradis perdu <strong>de</strong> John Milton, et il<br />

représente le royaume <strong>de</strong> Lucifer <strong>dans</strong> une succession <strong>de</strong> grands espaces souterrains 433 .<br />

Côté peinture, toute une rêverie du minéral se développe <strong>dans</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Dürer,<br />

ou celle <strong>de</strong> Léonard <strong>de</strong> Vinci. Jacob Isaac Swanenburgh, le peintre hollandais, peint un<br />

« monumental Enfer », « imagine ce détail <strong>fantastique</strong> <strong>de</strong> la barque <strong>de</strong> Charon transformée<br />

en une sorte <strong>de</strong> vaisseau fantôme, chargé <strong>de</strong> damnés, volant à travers l’espace, tandis que<br />

claquent au vent ses gran<strong>de</strong>s voiles faites <strong>de</strong> linceuls effilochés » 434 .<br />

<strong>Le</strong>s personnages <strong>de</strong>s romans, en particulier <strong>de</strong> Nous avons traversé la montagne,<br />

ont un intérêt pour les vieilles religions et les cultes primitifs anciens. Pilger et Igor se<br />

souviennent <strong>de</strong> « saintes et sauvages cérémonies », <strong>de</strong> rituels « nocturnes et souterrains »<br />

(NATM, 76) auxquels ils ont assisté, et qui se déroulent <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s lieux dédaléens :<br />

<strong>Le</strong> récit <strong>de</strong> Pilger se prolongeait par la <strong>de</strong>scription <strong>de</strong> la fête religieuse célébrée <strong>dans</strong> l’église<br />

souterraine, dont on disait que la succession indénombrable <strong>de</strong> ses chapelles s’enfonçait assez loin<br />

sous la mer, la <strong>de</strong>rnière consacrée à un saint dont la vocation est <strong>de</strong> recueillir les corps <strong>de</strong>s<br />

naufragés et les gui<strong>de</strong>r en sécurité vers leurs nouvelles naissances. (NATM, 81)<br />

Ces cérémonies sont qualifiées par Igor <strong>de</strong> « mystères » (NATM, 77). Elles<br />

mettent en scène une « Déesse Blanche » et une « Déesse noire », la « tellurique, la<br />

souterraine, l’obscure », venue d’Orient pour rendre la fertilité aux hommes, qui viennent<br />

se réunir (NATM, 85). Endroit vaste et obscur, l’église souterraine s’apparente à la grotte et<br />

à la crypte <strong>de</strong>s mystères. Elle n’est pas un lieu d’arrêt, mais <strong>de</strong> cheminement infini, désigne<br />

431 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, le voyage initiatique, tome 2, op. cit., p.240.<br />

432 Jacques Callot (1592-1635) Tentation <strong>de</strong> saint Antoine (1617). Voir illustration 12.<br />

433 John Martin, Satan volant au-<strong>de</strong>ssus du fleuve <strong>de</strong>s enfers, eau-forte. Voir illustration 13. Voir aussi les<br />

Caprichos <strong>de</strong> Goya, les Prisons <strong>de</strong> Piranèse, œuvres auxquelles <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> fait allusion <strong>dans</strong> Art<br />

<strong>fantastique</strong>, op. cit..<br />

434 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, Art <strong>fantastique</strong>, op. cit., p.128. Il s’agit <strong>de</strong> Jacob Isaac Swanenburgh, L’Enfer, Musée<br />

Pomorskoie, G<strong>dans</strong>k. Voir illustrations 14 et 15.

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