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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

« vénération höl<strong>de</strong>rlinienne » qui s’exprime <strong>dans</strong> l’œuvre <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> et se dirige en<br />

particulier vers « le glacier, l’orage, le torrent, l’Alpenglühn, etc. », mêlée à une<br />

« compassion franciscaine pour tout ce qui vit et souffre » (VM, 4). <strong>Le</strong> personnage ne se<br />

contente pas <strong>de</strong> décrire et d’éprouver ces éléments, il ressent à quel point il est soumis à<br />

leur influence et à leur force transformatrice.<br />

Adalbert von A., <strong>dans</strong> De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt, se souvient d’une expérience<br />

<strong>dans</strong> laquelle il s’est engagé lors d’un voyage <strong>dans</strong> <strong>de</strong>s pays montagneux. Ce qui est mis en<br />

scène (ACF, 54 à 67), c’est un moment particulier <strong>de</strong> l’existence du héros durant lequel il<br />

fait l’expérience <strong>de</strong> la métamorphose. Il suit un « chemin » (ACF, 54) à la fois extérieur et<br />

intérieur, terrestre et mental. Il monte en compagnie d’un gui<strong>de</strong> jusqu’à un lac et une<br />

vieille maison habitée par un couple <strong>de</strong> vieux pêcheurs. Ce parcours comporte plusieurs<br />

phases essentielles. C’est d’abord la <strong>de</strong>scription d’un paysage constitué d’éléments visuels,<br />

un étroit sentier raviné, <strong>de</strong>s éboulis <strong>de</strong> rocher, un paysage « âpre et gris » composé <strong>de</strong><br />

forêts, <strong>de</strong> roches et <strong>de</strong> brume, et d’éléments sonores constituant un ensemble <strong>de</strong> « voix<br />

sauvages » (ACF, 55). En compagnie du gui<strong>de</strong>, Adalbert accè<strong>de</strong> au lac <strong>de</strong> montagne,<br />

milieu désormais silencieux. À ce moment là le paysage prend une autre dimension :<br />

<strong>Le</strong> vacarme <strong>de</strong>s torrents et <strong>de</strong>s casca<strong>de</strong>s qui l’avait accompagné pendant son ascension, s’arrêtait<br />

<strong>de</strong>vant cette eau immobile et muette d’où s’élevait un silence d’une qualité presque surnaturelle<br />

qui imprégnait toute chose d’une gravité impressionnante comparable à quelque horreur sacrée.<br />

(ACF, 55)<br />

<strong>Le</strong>s adjectifs « immobile et muette » produisent, comme le mot « voix »<br />

précé<strong>de</strong>mment, un effet <strong>de</strong> personnification. Une progression apparaît <strong>dans</strong> l’utilisation<br />

d’autres adjectifs, « surnaturelles », puis « sacrée ». <strong>Le</strong> domaine <strong>de</strong> la montagne est un<br />

espace intermédiaire entre celui <strong>de</strong>s plaines, habitées par les hommes et le mon<strong>de</strong> du ciel.<br />

C’est un territoire d’éloignement qui pendant longtemps, jusqu’à la fin du XVIII e siècle<br />

reste un territoire d’effroi. Une certaine crainte s’attache à la montagne et à son caractère<br />

divin. En montant vers ce lac, Adalbert reproduit le pèlerinage traditionnel <strong>de</strong> ceux qui se<br />

dirigent vers les sommets, parviennent à un lac où ils vont procé<strong>de</strong>r à <strong>de</strong>s rituels, puis<br />

poursuivent leur route <strong>dans</strong> l’espoir qu’un dieu consentira à venir à leur rencontre. <strong>Le</strong><br />

regard qu’Adalbert porte sur le paysage se modifie. Il éprouve d’abord une impression <strong>de</strong><br />

détachement, est gagné par l’indifférence, il a l’impression que le gui<strong>de</strong> qui l’accompagne<br />

se dissout et <strong>de</strong>vient apparence, que les éléments du paysage eux aussi se fon<strong>de</strong>nt <strong>dans</strong> le<br />

silence. <strong>Le</strong>s clameurs du torrent et <strong>de</strong>s casca<strong>de</strong>s perçues auparavant lui apparaissent<br />

comme <strong>de</strong>s « avertissements » qui le mettent en gar<strong>de</strong> contre le silence et l’oubli. Adalbert<br />

parvient à la maison <strong>de</strong>s pêcheurs, et le len<strong>de</strong>main renvoie son gui<strong>de</strong> <strong>dans</strong> la vallée. <strong>Le</strong>

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