27.12.2013 Views

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

41<br />

tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

court les salons et les jardins d’aujourd’hui : le pittoresque » et fait allusion à un concept<br />

lié à l’histoire <strong>de</strong>s jardins, qui se développe à cette époque. D’autre part Pückler-Muskau,<br />

le créateur <strong>de</strong> jardins, est signalé un peu plus loin comme un contemporain : « <strong>Le</strong> parc,<br />

vous le savez, est célèbre un peu partout en Europe et Pückler-Muskau, qui n’a pu faire<br />

mieux, pas même aussi bien, me l’envie ». <strong>Le</strong> prince, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Miroirs et les gouffres suit,<br />

au début du roman, les leçons du célèbre professeur <strong>de</strong> géologie Werner, nommé<br />

professeur <strong>de</strong> minéralogie en 1775. Plus loin <strong>dans</strong> le récit, il se murmure les vers qu’il<br />

aime, « d’un poète contemporain » : « Tu es le repos, la douce paix, tu es le désir et ce qui<br />

l’apaise… » (MG, 119). Il s’agit d’un poème du poète allemand Rückert (1788-1866). On<br />

voit ici la tendance du <strong>fantastique</strong> à se tourner vers le passé <strong>de</strong> la vieille Europe, tendance<br />

opposée à celle <strong>de</strong> la science-fiction.<br />

L’ancrage temporel s’inscrit aussi <strong>dans</strong> le <strong>de</strong>scriptif : il s’agit <strong>de</strong> l’indication <strong>de</strong>s<br />

saisons ou <strong>de</strong>s moments <strong>de</strong> la journée. Ces moments fon<strong>de</strong>nt à leur manière le<br />

vraisemblable. La Rose <strong>de</strong> cire débute au moment du crépuscule, associé à son équivalent<br />

saisonnier : la chute du soir « surprend les <strong>de</strong>rnières belles journées <strong>de</strong> l’arrière-automne »<br />

(RC, 10). De l’autre côté <strong>de</strong> la forêt commence « <strong>dans</strong> ce précoce crépuscule d’une fin<br />

d’hiver » (ACF, 13), puis les saisons se succè<strong>de</strong>nt tout au long du roman. L’Ombre d’un<br />

arbre mort installe « un printemps tardif » (OAM, 7), L’Enchanteur l’ « arrière été » (E,<br />

16). <strong>Le</strong>s voyageurs <strong>de</strong> La Fête <strong>de</strong> la Tour <strong>de</strong>s Âmes se mettent en route « <strong>de</strong> bon matin »<br />

(FTA, 23), et nous pourrions ainsi accumuler les exemples. Notons une préférence marquée<br />

pour le crépuscule et pour l’automne, moments particuliers particulièrement favorables à<br />

l’enracinement du <strong>fantastique</strong>. Dans L’Allemagne romantique, <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> indique que :<br />

Chaque poète a son « moment » préféré : Jean-Paul, le coucher du soleil ; Hoffmann, le haut<br />

minuit au zénith <strong>de</strong>s ténèbres ; Tieck, cet instant indécis qui suit le crépuscule ; Brentano, les<br />

premières heures <strong>de</strong> la lune ascendante ; Arnim, le gris glacé et inquiétant <strong>de</strong> l’approche du<br />

matin. 114<br />

<strong>Le</strong> mot « moment » est ici préféré, et non le mot temps. Il désigne en effet à la<br />

fois un temps limité, et un point <strong>de</strong> la durée qui doit correspondre à un événement 115 .<br />

Au sujet <strong>de</strong> l’ancrage temporel <strong>dans</strong> les romans <strong>de</strong> <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, nous pouvons<br />

faire les mêmes remarques que celles que nous faisions à propos <strong>de</strong> l’expression <strong>de</strong><br />

l’espace : la temporalité est orientée. Un temps objectif est bien donné ici ou là, mais <strong>de</strong><br />

114 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, L’Allemagne romantique, Paris, Albin Michel, 1963, p.332.<br />

115 <strong>Le</strong> mot moment vient du latin movere, bouger, se déplacer et a donné aussi mouvoir. Il désigne<br />

concrètement le poids qui détermine le mouvement et l’impulsion d’une balance. Par la suite le français<br />

retient cette dimension temporelle d’un temps caractérisé par son contenu.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!