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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

mon<strong>de</strong>s communiquent par <strong>de</strong>s fentes, <strong>de</strong>s galeries qui sont autant d’ouvertures potentielles<br />

vers les régions obscures. À la grotte-seuil évoquée <strong>dans</strong> L’Ermite au masque <strong>de</strong> miroir<br />

succè<strong>de</strong> le puits situé <strong>dans</strong> le jardin <strong>de</strong> la <strong>de</strong>meure italienne <strong>de</strong> Sir John. Ce puits est un<br />

accès possible vers les enfers, au même titre que l’entrée qui se trouve « <strong>dans</strong> une autre<br />

région <strong>de</strong> l’Italie, près du lac Trasimène » (FTA, 36). À partir <strong>de</strong> cette frontière, se trouvent<br />

mis en place <strong>dans</strong> le texte tout un emboîtement d’espaces successifs. La maison <strong>de</strong> Sir John<br />

s’appelle « <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s temps immémoriaux » le « Pozzo d’Inferno » (FTA, 35). Cette<br />

maison est entourée d’un parc d’abord très ordonné constitué <strong>de</strong> terrasses, <strong>de</strong> bosquets et<br />

<strong>de</strong> parterres fleuris qui laisse place à une forêt sauvage. Dans cette forêt, un bois d’ifs et <strong>de</strong><br />

pins marque un seuil, et c’est là, au milieu d’une clairière où se trouvent les ruines d’un<br />

vieux temple païen « consacré aux dieux d’en bas » (FTA, 43) que se situe le puits. Nous<br />

sommes ici renvoyés au symbolisme général <strong>de</strong> la forme circulaire et du puits, et à cette<br />

place qu’il tient <strong>dans</strong> l’imaginaire humain. <strong>Le</strong> puits est tantôt lieu <strong>de</strong> la chute et <strong>de</strong><br />

l’engloutissement, tantôt espace du retour à l’origine. Il est ici le point <strong>de</strong> départ d’un<br />

chemin qui fait communiquer le mon<strong>de</strong> réel et le mon<strong>de</strong> caché <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs, ouvre sur<br />

ces substituts du puits que sont la grotte et l’escalier conduisant au nocturne.<br />

Au symbolisme du cercle succè<strong>de</strong> celui <strong>de</strong> la <strong>de</strong>scente, et un effet <strong>de</strong> profon<strong>de</strong>ur<br />

est créé : le nombre <strong>de</strong>s marches du puits ne peut être évalué par Sir John. Nous entrons<br />

donc <strong>dans</strong> un mon<strong>de</strong> où les mises en chiffres ne sont plus guère possibles. L’idée est<br />

suggérée que au-<strong>de</strong>là du fond du puits il puisse exister « une infinité <strong>de</strong> fonds emboîtés les<br />

uns <strong>dans</strong> les autres » (FTA, 45). Un tunnel se prolongeant « à perte <strong>de</strong> vue » succè<strong>de</strong> au<br />

puits et débouche sur un espace beaucoup plus large :<br />

À mesure que je m’éloignais, j’entendais, <strong>de</strong> plus en plus bruyants, les appels, les cris et les voix<br />

qui annonçaient l’approche d’une foule considérable d’hommes et <strong>de</strong> femmes ; <strong>de</strong>s sirènes <strong>de</strong><br />

navires, aussi, <strong>de</strong>s battements <strong>de</strong> cloches, <strong>de</strong>s bruits <strong>de</strong> chaînes et <strong>de</strong> cabestans. Un vent assez<br />

violent m’étourdit quand je débouchai du couloir sur un quai très long, éclairé par <strong>de</strong> nombreux<br />

lampadaires. De l’autre côté du fleuve on apercevait une côte sinueuse, piquetée <strong>de</strong> lumières qui<br />

tremblaient fiévreusement <strong>dans</strong> le brouillard. (FTA, 46)<br />

<strong>Le</strong> choix <strong>de</strong>s expressions utilisées, « à mesure que je m’éloignais », « <strong>de</strong> l’autre<br />

côté du fleuve », et plus avant <strong>dans</strong> le texte « d’une rive à l’autre » crée une illusion<br />

perspectiviste <strong>de</strong>s profon<strong>de</strong>urs. L’expression « <strong>de</strong> plus en plus », le superlatif « très long »<br />

laissent <strong>de</strong>viner un espace dont l’étendue <strong>de</strong>meure imprécise. <strong>Le</strong>s adjectifs contribuent à<br />

donner une impression d’immensité : la foule est « considérable », les lampadaires<br />

« nombreux ». Nous passons d’un lieu resserré à un vaste volume qui ne se laisse pas<br />

appréhen<strong>de</strong>r complétement, s’éclaire avec peine, empli <strong>de</strong> brouillard. La perception qu’en<br />

a Sir John est d’abord sonore. Puis un vent se manifeste, et c’est seulement <strong>dans</strong> un

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