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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

individu. <strong>Le</strong> « génie » peut être un esprit, bon ou mauvais, qui influe sur la <strong>de</strong>stinée. Dans<br />

un récit <strong>fantastique</strong>, le lecteur se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> s’il ne serait pas en définitive un être surnaturel<br />

doué <strong>de</strong> pouvoirs magiques. Ce surnaturel est perçu par un animal, le lézard. En tant<br />

qu’animal <strong>fantastique</strong>, il est capable d’un autre regard, offre la possibilité d’une<br />

perception-relai. Ses « yeux étoilés » regar<strong>de</strong>nt le mon<strong>de</strong> autrement et en perçoivent toute<br />

la dimension seulement pressentie par un regard pauvrement humain. Par association<br />

d’idée, le narrateur passe du lézard à la figure du moine qui, lui aussi, a quelque parenté<br />

avec l’invisible. <strong>Le</strong> moine occupe une position à part, vivant <strong>dans</strong> un ermitage<br />

montagneux, ce qui correspond sur un autre plan à une plus gran<strong>de</strong> élévation <strong>de</strong> pensée et<br />

d’âme. Placé ainsi, il lui est possible <strong>de</strong> capter « la pulsation magnétique <strong>de</strong>s orages ». <strong>Le</strong><br />

choix du vocabulaire est important. « Décryptait », « message » ont une résonnance<br />

oraculaire. « Magnétique » suggère un mon<strong>de</strong> traversé par <strong>de</strong>s flui<strong>de</strong>s, et fait penser à la<br />

science romantique d’un Mesmer, auquel il est d’ailleurs fait allusion <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Pré du<br />

grand songe (PGS, 235). « Pulsation » évoque un macrocosme vivant, possédant un cœur.<br />

Aux verbes remarquer et pressentir succè<strong>de</strong> le verbe décrypter qui présente la nature<br />

comme un livre d’hiéroglyphes où sont exprimés les messages divins.<br />

Wenzel, l’un <strong>de</strong>s compagnons <strong>de</strong> voyage, atteint <strong>de</strong> maladie, doit être installé<br />

<strong>dans</strong> la hutte d’un berger. La fièvre fait dériver son corps et « son âme vers <strong>de</strong>s gouffres<br />

sombres » (NATM, 224). Comme le narrateur, il perçoit l’existence d’un espace souterrain.<br />

Flottant <strong>dans</strong> un <strong>de</strong>mi-sommeil favorable au <strong>fantastique</strong>, il occupe une position <strong>de</strong> lisière<br />

« entre <strong>de</strong>ux eaux » et se débat contre « les vagues du torrent noir » (NATM, 225) :<br />

(…) Wenzel prend conscience <strong>de</strong>s plus infimes palpitations <strong>de</strong> la nature, les froissements soyeux<br />

<strong>de</strong> la terre, les troncs <strong>de</strong>s arbres qui se ten<strong>de</strong>nt et se fendillent, les bourgeons qui se déroulent en<br />

tâtonnant <strong>dans</strong> l’air tiè<strong>de</strong>, l’eau <strong>de</strong>s sources qui se promène tout au long <strong>de</strong> ses voies souterraines<br />

et retombe <strong>de</strong> la faille du rocher au creux d’une vasque <strong>de</strong> marbre, les craquements <strong>de</strong> l’ossature<br />

<strong>de</strong>s constellations, l’aci<strong>de</strong> arôme <strong>de</strong> lait <strong>de</strong> jument <strong>de</strong>s galaxies. (NATM, 225)<br />

La prose poétique utilisée est riche en sonorités. <strong>Le</strong> mon<strong>de</strong> se verticalise, possè<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong>s « voies souterraines », le ciel possè<strong>de</strong> une « ossature », et il est susceptible d’avoir une<br />

fonction maternelle.<br />

Borchardt, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Miroirs et les gouffres, est un « homme simple » (MG, 26),<br />

un homme élémentaire qui ressemble à Hans, le gui<strong>de</strong> islandais du Voyage au centre <strong>de</strong> la<br />

terre <strong>de</strong> Jules Verne. Borchardt, ancien mineur, est lui aussi explorateur <strong>de</strong> volcans, et<br />

gui<strong>de</strong> choisi par le professeur Werner. En effet, cet homme « silencieux, vigoureux » a<br />

appris « <strong>de</strong>s pierres autre chose et plus <strong>de</strong> choses que n’en enseignent les Universités »<br />

(MG, 26). Plus proche <strong>de</strong>s éléments que <strong>de</strong>s hommes, il vit en communion avec les forces<br />

naturelles, ouvre la porte vers une connaissance que le savoir livresque ne peut atteindre,

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