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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

dont parle <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> <strong>dans</strong> Quatre siècles <strong>de</strong> surréalisme, dont les mécanismes étaient<br />

dissimulés sous une robe et un capuchon, adressait la parole aux visiteurs du parc.<br />

Au cours <strong>de</strong> sa visite <strong>dans</strong> le château, le narrateur <strong>de</strong> Château d’ombres se trouve<br />

en compagnie <strong>de</strong> Marianne <strong>dans</strong> une chambre obscure lorsqu’il entend soudain chanter un<br />

puis plusieurs oiseaux automates. Alors qu’ils se mettent à chanter, le narrateur éprouve<br />

ravissement et étonnement. « La voix était d’une pureté exquise », dit-il… <strong>Le</strong>s<br />

personnages ont alors <strong>de</strong>ux types <strong>de</strong> réaction. Marianne s’en amuse. <strong>Le</strong> narrateur passe <strong>de</strong><br />

l’étonnement et du ravissement à l’inquiétu<strong>de</strong>, dès lors que les voix s’arrêtent et que le<br />

bruit <strong>de</strong>s ailes cesse « avec quelques grincements surprenants ». Il découvre que la<br />

chambre est pleine <strong>de</strong> « bizarres simulacres ». Dans la chambre, <strong>de</strong>s tableaux représentent<br />

<strong>de</strong>s oiseaux, dont certains sont représentés « avec plus <strong>de</strong> fantaisie et même <strong>de</strong><br />

<strong>fantastique</strong> ». L’inquiétu<strong>de</strong> naît du silence qui suit le chant, et, une fois <strong>de</strong> plus, <strong>de</strong><br />

l’immobilité :<br />

Quand ils chantaient j’éprouvais un véritable ravissement, mais quand le silence prenait<br />

possession, ensuite, <strong>de</strong> ces cages dorées et immobilisait ces bizarres machines emplumées sur<br />

leurs perchoirs <strong>de</strong> bois, je n’éprouvais plus qu’une pitié, assez mécontente d’elle-même, pour ces<br />

contrefaçons tristes et grimaçantes (CO, 178).<br />

Phrase contrastée qui nous fait passer du ravissement à l’idée <strong>de</strong> grimace, <strong>de</strong><br />

parodie. <strong>Le</strong> lecteur peut rapprocher cet épiso<strong>de</strong> du roman La Rose <strong>de</strong> cire. Malter, l’ami du<br />

narrateur, a acheté un oiseau artificiel qu’il confie au narrateur. Et cet oiseau ne chante<br />

plus. « J’éprouvais une sensation d’angoisse quand je vis que la tabatière à musique ne<br />

fonctionnait plus » (RC, 23).<br />

D’où vient cette inquiétu<strong>de</strong> ? Elle vient <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux éléments principaux : la<br />

ressemblance, et la possibilité <strong>de</strong> substitution. <strong>Le</strong> caractère principal <strong>de</strong> l’automate est la<br />

ressemblance. <strong>Le</strong> constructeur ne tente pas <strong>de</strong> créer <strong>de</strong>s personnages irréels, d’animer un<br />

mon<strong>de</strong> <strong>de</strong> créatures imaginaires, au contraire : il veut atteindre un mimétisme aussi exact<br />

que possible. L’effet <strong>de</strong> surprise est pleinement atteint lorsque le spectateur confond<br />

l’animal réel et l’animal artificiel, ou l’homme réel avec l’homme artificiel. Cette<br />

confusion suscite l’étonnement, la fascination, le doute, l’inquiétu<strong>de</strong> et le malaise. Dans un<br />

<strong>de</strong>uxième temps, le golem, ou l’automate est susceptible <strong>de</strong> se substituer à l’homme. C’est<br />

ce que le romantisme met en avant. Dans la nouvelle d’E.T.A. Hoffmann, le Turc<br />

mécanique répond à <strong>de</strong>s questions qui lui sont posées et révèle ce que personne ne savait.<br />

L’homme doit constater tout à coup que sa création n’est plus un instrument docile mais<br />

possè<strong>de</strong> une faculté d’action indépendante, dangereuse si d’aventure l’automate se

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