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Le fantastique dans l'oeuvre romanesque de Marcel Brion

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tel-00699768, version 1 - 21 May 2012<br />

« C’est du Grand Jeu, <strong>de</strong> l’Ars magna. Entendons-nous sur ce terme : jeu. Un jeu, au sens<br />

élémentaire du mot, n’est pas nécessairement un passe-temps, un divertissement » 296 .<br />

Dès lors se trouve posée la question, non pas du jeu <strong>fantastique</strong>, au sens <strong>de</strong> jeu<br />

gratuit, mais ce que Gilbert Millet et Denis Labbé appellent les « enjeux du <strong>fantastique</strong> » :<br />

Une <strong>de</strong>s forces du <strong>fantastique</strong> est d’abor<strong>de</strong>r, sous une forme allusive et souvent métaphorique ou<br />

symbolique, les grands thèmes métaphysiques, l’origine <strong>de</strong> l’homme, sa place <strong>dans</strong> l’univers, la<br />

mort, Dieu… 297<br />

<strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> tient à l’aspect sérieux du <strong>fantastique</strong> envisagé comme expérience.<br />

Pour lui, il doit être « vrai », « – j’entends exempt <strong>de</strong> gratuité, <strong>de</strong> jeu pour le jeu… – » 298 ,<br />

et il le relie à l’expérience très particulière <strong>de</strong> l’écriture :<br />

On ne choisit pas d’écrire du « <strong>fantastique</strong> » : certaines histoires se sont imposées à moi, comme<br />

une fatalité, avec l’obligation <strong>de</strong> les transcrire telle que je les ai « vues » ; j’aimerais mieux dire<br />

« vécues », car pour moi ce sont <strong>de</strong> véritables expériences <strong>dans</strong> lesquelles je suis entraîné, sans<br />

les avoir voulues, sans les avoir choisies. 299<br />

<strong>Le</strong> roman <strong>fantastique</strong> selon <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> n’est pas un divertissement, un simple<br />

intermè<strong>de</strong> écrit entre <strong>de</strong>s travaux sur l’histoire et d’autres sur la littérature et l’histoire <strong>de</strong><br />

l’art, n’offre pas un simple moment d’évasion. L’imagination serait cette capacité à<br />

percevoir <strong>de</strong>s signes <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong> environnant, ce qui suppose une attention vive à ce qui<br />

circule <strong>dans</strong> le mon<strong>de</strong>, à tout ce qui est <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> la sensation, du pressentiment, une<br />

exaltation <strong>de</strong>s sens qui est à l’opposé <strong>de</strong> l’inattention.<br />

<strong>Le</strong> conteur Bardouk, mis en scène <strong>dans</strong> La Ville <strong>de</strong> sable, partage cette<br />

conception : « Pour Bardouk, une histoire n’était pas un tissu plus ou moins adroitement<br />

bariolé, mais une gran<strong>de</strong> aventure <strong>dans</strong> laquelle l’être s’engageait tout entier » (VS, 45).<br />

<strong>Le</strong>s narrateurs, confrontés au projet <strong>de</strong> l’écriture ne « fantastisent » pas. « Un romancier<br />

ferait <strong>de</strong>s éléments <strong>de</strong> cette histoire un récit émouvant et bizarre » dit le narrateur du<br />

Château <strong>de</strong> la princesse Ilse (CPI, 12). « Fantastiquons », dit-il, ce qui signifie : inventons<br />

un récit qui relève <strong>de</strong> la pure gratuité. Nous retrouvons ce verbe <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Pré du grand<br />

songe où il est question <strong>de</strong> « l’enfant qui aimait à <strong>fantastique</strong>r » (PGS, 181). Ce verbe<br />

prend le même sens que « fantastiser », <strong>dans</strong> La Folie Céladon : « (…) fantastiser (…) en<br />

rêvant <strong>de</strong> camélias, <strong>de</strong> gentilshommes hongrois, et <strong>de</strong> reflets <strong>de</strong> mille bougies <strong>dans</strong> le<br />

miroir splendi<strong>de</strong> d’un parquet ciré » (FC, 201). <strong>Le</strong> narrateur <strong>de</strong> Nous avons traversé la<br />

montagne précise qu’il laisse <strong>de</strong> côté le genre du roman d’aventure :<br />

296 Franz Hellens, <strong>Le</strong> Fantastique réel, Bruxelles, Sodi, 1967, p.66-67.<br />

297 Gilbert Millet, Denis Labbé, <strong>Le</strong> Fantastique, op. cit., p.236.<br />

298 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, <strong>Le</strong>onor Fini, op. cit., non paginé.<br />

299 <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong>, « <strong>Marcel</strong> <strong>Brion</strong> croit aux fantômes », <strong>dans</strong> <strong>Le</strong>s Cahiers <strong>de</strong> l’imaginaire, op. cit., p.4-5. <strong>Le</strong>s<br />

propos sont à nouveau cités par Francis Lacassin, <strong>dans</strong> <strong>Le</strong> Cimetière <strong>de</strong>s éléphants, op. cit., p.126-127.

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