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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:32 Page 171<br />

HISTOIRE 171<br />

apogée au X V I e siècle, tel qu’il était remémoré, <strong>et</strong> même au-<strong>de</strong>là par une extrapolation<br />

vers <strong><strong>de</strong>s</strong> limites imaginaires très larges, du Nil à l’océan Indien. Les<br />

confrontations <strong>et</strong> les ajustements entre les avancées conquérantes <strong><strong>de</strong>s</strong> armées<br />

chrétiennes <strong>et</strong> les empiétements coloniaux ont pro g ressivement <strong><strong>de</strong>s</strong>siné un<br />

tracé frontalier, fixé sur <strong><strong>de</strong>s</strong> cartes, inscrit dans le paysage par <strong><strong>de</strong>s</strong> bornes.<br />

Dans c<strong>et</strong>te enveloppe cartographiée par r<strong>et</strong>ouches successives, l’empire<br />

bâti par Menilek <strong>et</strong> ses généraux formait un ensemble disparate d’organisations<br />

territoriales. Ces territoires étaient taillés à la mesure <strong><strong>de</strong>s</strong> grands dignitaires qui<br />

en avaient la charge <strong>et</strong> qui percevaient un revenu fiscal. Leurs limites étaient <strong>de</strong><br />

n a t u re très variable, certaines très sédimentées, d’autres plus malléables. Une<br />

simplification usuelle rapporte ces fro n t i è res régionales à <strong><strong>de</strong>s</strong> isolats nature l s ,<br />

délimités par <strong><strong>de</strong>s</strong> fractures géographiques n<strong>et</strong>tes (vallées fluviales <strong>et</strong> lignes <strong>de</strong><br />

crête). Mais elles procédaient plutôt <strong>de</strong> la <strong>de</strong>nsité <strong><strong>de</strong>s</strong> moyens <strong>de</strong> contrôle que<br />

les délégués locaux du pouvoir royal, plus ou moins rivaux, pouvaient aff e c t e r<br />

au maintien <strong>de</strong> leurs autorités sur <strong><strong>de</strong>s</strong> zones d’insoumission relative – ou plutôt<br />

<strong>de</strong> soumission versatile. Les variations d’extension <strong>de</strong> ces zones interstitielles<br />

ne s’arrêtaient pas aux acci<strong>de</strong>nts du paysage, mais ces faits géographiques<br />

étaient conventionnellement r<strong>et</strong>enus dans l’imaginaire collectif pour se re p r ésenter<br />

la configuration générale <strong><strong>de</strong>s</strong> territoires.<br />

L’exigence mo<strong>de</strong>rne <strong>de</strong> fixation graphique <strong><strong>de</strong>s</strong> tracés territoriaux s’est prog<br />

ressivement appliquée à l’intérieur du pays. Pour homogénéiser sa structure ,<br />

notamment pour se substituer aux enchevêtrements <strong><strong>de</strong>s</strong> droits fonciers locaux,<br />

l’État éthiopien s’est équipé <strong>de</strong> règles administratives uniformes <strong>et</strong> hiérarc h isées.<br />

Dans la <strong>de</strong>uxième moitié du X X e siècle, on observe un processus rapi<strong>de</strong><br />

<strong>de</strong> cristallisation cartographique <strong>de</strong> la structure administrative territoriale à <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

échelles toujours plus précises. Mais les dynamiques économiques <strong>et</strong> politiques,<br />

au moteur <strong><strong>de</strong>s</strong> conflits frontaliers <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> remaniements territoriaux, ont<br />

sans cesse rappelé que ces fro n t i è res, extérieures <strong>et</strong> intérieures, ne re p r é s e ntaient<br />

qu’un état pro v i s o i re <strong><strong>de</strong>s</strong> relations <strong>de</strong> pouvoir <strong>et</strong> que leur inscription sur<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> documents officiels ne pouvait suffire à les fixer.<br />

Pour nourrir ces analyses, le séminaire a accueilli les interventions <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

historiens <strong>de</strong> l’Éthiopie. Shiferaw Bekele, historien à l’Université d’Addis Abeba,<br />

a décrit le développement <strong>et</strong> le déclin du chemin <strong>de</strong> fer entre Djibouti <strong>et</strong> Addis<br />

Abeba <strong>et</strong> montré l’impact <strong>de</strong> ce moyen <strong>de</strong> transport dans l’évolution <strong><strong>de</strong>s</strong> dynamiques<br />

<strong>de</strong> construction territoriale. Alessandro Triulzi, professeur à l’Orientale<br />

<strong>de</strong> Naples, a interrogé la notion éthiopienne <strong>de</strong> périphérie, dar agär, à partir <strong>de</strong><br />

son expérience d’historien ayant travaillé dans une région distante du centre<br />

national, mais elle-même organisée en cercles concentriques.

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