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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:33 Page 362<br />

362 ANNUAIRE <strong>2004</strong>-<strong>2005</strong><br />

La question du relativisme linguistique<br />

Emmanuel Désveaux <strong>et</strong> Michel <strong>de</strong> Fornel, directeurs d’étu<strong><strong>de</strong>s</strong><br />

Langues, cultures, arts : l’approche transformationnelle II<br />

NO T R E s é m i n a i re commun s’efforçait <strong>de</strong>puis plusieurs années <strong>de</strong> re p e n s e r<br />

l’aporie qui gît au cœur <strong><strong>de</strong>s</strong> écrits <strong>de</strong> Sapir. On sait que ce <strong>de</strong>rnier a travaillé<br />

en parallèle à <strong>de</strong>ux entreprises qui, menées à terme, auraient exigé <strong><strong>de</strong>s</strong> efforts <strong>de</strong><br />

conciliation titanesques tant elles semblent à pre m i è re vue contradictoires. Soit,<br />

d’un côté, re c o n s t r u i re la généalogie <strong><strong>de</strong>s</strong> langues nord-américaines selon les<br />

métho<strong><strong>de</strong>s</strong> éprouvées <strong>de</strong> la linguistique indo-européenne <strong>et</strong> d’un autre côté, mont<br />

rer l’adéquation forte qui prévaut entre une langue donnée <strong>et</strong> la culture <strong>de</strong> ses<br />

locuteurs. L’ e n t reprise en eff<strong>et</strong> butte sur le fait qu’à pre m i è re vue la carte <strong>de</strong> la distribution<br />

linguistique, établie sur <strong><strong>de</strong>s</strong> bases généalogiques, <strong>et</strong> celle <strong><strong>de</strong>s</strong> culture s<br />

ne correspon<strong>de</strong>nt pas du tout. Notre réflexion critique s’est nourrie d’un côté du<br />

travail <strong>de</strong> remise en cause <strong><strong>de</strong>s</strong> familles traditionnellement admises <strong>de</strong> langues<br />

q u ’ o p è re actuellement une nouvelle génération <strong>de</strong> linguistes américains autour <strong>de</strong><br />

Lyle Campbell, Ives Goddard <strong>et</strong> Marianne Mithun, <strong>et</strong> d’un autre côté <strong>de</strong> l’apport<br />

du transformationalisme lévi-straussien dont l’un d’entre nous avait montré dans<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> travaux antérieurs la fécondité pour traiter <strong><strong>de</strong>s</strong> matériaux amérindiens bien<br />

au-<strong>de</strong>là du domaine du mythe où son découvreur l’avait cantonné. Dans ces<br />

conditions, nous étions confrontés à un double phénomène <strong>de</strong> morcellement <strong>et</strong><br />

d’harmonisation. Il nous est apparu dès lors qu’en réalité les langues, à l’instar<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> mythes, <strong><strong>de</strong>s</strong> rites, <strong><strong>de</strong>s</strong> organisations sociales, <strong><strong>de</strong>s</strong> nomenclatures <strong>de</strong> pare n t é<br />

<strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques étaient susceptibles d’être envisagées comme entr<strong>et</strong>enant <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

rapports <strong>de</strong> transformation entre elles. Notre hypothèse <strong>de</strong> travail rési<strong>de</strong> sur l’hypothèse<br />

d’un fon<strong>de</strong>ment sémantique <strong><strong>de</strong>s</strong> syntaxes amérindiennes – l’inspiration<br />

due à Sapir <strong>et</strong> Whorf – pour autant qu’il s’appuie sur <strong><strong>de</strong>s</strong> gammes d’inversions<br />

harmoniques entre langues distinctes — la dimension lévi-straussienne.<br />

C<strong>et</strong>te année, notre proj<strong>et</strong> a franchi une étape décisive : en eff<strong>et</strong>, nous<br />

sommes parvenus à établir le rapport <strong>de</strong> transformation qui lie <strong>de</strong>ux langues,<br />

l’ojibwa <strong>et</strong> le dakota-lakhota, qui appartiennent respectivement aux familles linguistiques<br />

algonquine <strong>et</strong> sioux. Commençant par analyser l’ojibwa, nous avons<br />

rappelé ses quatre gran<strong><strong>de</strong>s</strong> caractéristiques, à savoir la division entre l’animé <strong>et</strong><br />

l’inanimé, la flexion directe-inverse, l’obviation (parfois dite aussi la quatrième<br />

personne) <strong>et</strong> enfin, la plus déroutante <strong>de</strong> toutes, qui d’ailleurs n’existe que dans<br />

les langues algonquines, une hiérarchie <strong><strong>de</strong>s</strong> personnes qui donne toujours la<br />

prééminence au tu. Nous démarquant <strong>de</strong> la démarche habituelle du typologiste,<br />

nous nous sommes eff o rcés d’expliquer la concomitance <strong>de</strong> ces phénomènes<br />

dans la grammaire ojibwa (<strong>et</strong> plus généralement dans celle <strong><strong>de</strong>s</strong> langues algonquines).<br />

Il nous a semblé nécessaire <strong>de</strong> nous départir du primat <strong>de</strong> la personne<br />

au profit <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> co-présence. La discussion nous a ainsi donné l’occasion<br />

<strong>de</strong> croiser la célèbre discussion <strong>de</strong> Benveniste autour <strong>de</strong> la notion <strong>de</strong> personne<br />

<strong>et</strong> l’égocentricité. Nous avons aussi pu m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce<br />

l’hypertransitivité <strong><strong>de</strong>s</strong> langues algonquines.

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