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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:33 Page 444<br />

444 ANNUAIRE <strong>2004</strong>-<strong>2005</strong><br />

Folie <strong>et</strong> lien social<br />

Françoise Davoine <strong>et</strong> Jean-Max Gaudillière, maîtres <strong>de</strong> <strong>conférences</strong><br />

Raconter <strong><strong>de</strong>s</strong> histoires, raconter son histoire, raconter l’histoire<br />

LE s é m i n a i re <strong>de</strong> c<strong>et</strong>te année fait suite aux trois séminaires qui avaient pour<br />

r é f é rence les <strong>de</strong>ux Don Quichotte <strong>de</strong> Cervantes, <strong>et</strong> les trois séminaires qui<br />

ont traité <strong><strong>de</strong>s</strong> caractéristiques <strong>de</strong> la mémoire traumatique. Ces considérations<br />

sont portées par la clinique psychanalytique <strong><strong>de</strong>s</strong> traumas <strong>et</strong> <strong>de</strong> la folie, où les<br />

textes littéraires valent à la fois comme document théorique <strong>de</strong> re c h e rche, <strong>et</strong><br />

comme témoignage clinique sur le lien transférentiel.<br />

La vie <strong>et</strong> les opinions <strong>de</strong> Tristram Shandy, gentleman <strong>de</strong> Laurence Stern e<br />

prend explicitement l’œuvre <strong>de</strong> Cervantes comme source d’inspiration, quelque<br />

cent cinquante ans après. Regardant la folie, la d<strong>et</strong>te à l’égard <strong>de</strong> Swift est aussi<br />

plus d’une fois soulignée par l’auteur. Notre travail nous a également amenés<br />

c<strong>et</strong>te année à nous appuyer sur les re c h e rches du professeur Dori Laub<br />

(Université Yale) sur la question <strong><strong>de</strong>s</strong> t é m o i n s lorsque <strong><strong>de</strong>s</strong> bourreaux org a n i s e n t<br />

jusqu’à la disparition <strong>de</strong> la disparition, à quelque échelle que ce soit.<br />

Sur fond d’un accouchement autobiographique qui n’en finit pas <strong>de</strong> ne pas<br />

a r r i v e r, Laurence Sterne organise d’emblée un praticable <strong>de</strong> fiction qui va lui<br />

p e r m e t t re d’appro c h e r, comme aussi cliniquement, l’expérience d’un soldat<br />

traumatisé, l’oncle To b y, bientôt associé à son Sancho Pança, le Caporal Tr i m .<br />

Les caractéristiques particulières du transfert, dans ce cas, sont présentées<br />

d’une façon à la fois humoristique <strong>et</strong> exigeante, sous la forme du hobby horse,<br />

du « d a d a », cheval jupon issu <strong><strong>de</strong>s</strong> danses guerrières <strong>de</strong> la Merry England, qui<br />

catalyse ici la faille du thérapeute, seule capable <strong>de</strong> m<strong>et</strong>tre en mouvement un<br />

temps gelé.<br />

Un événement enregistré sans filtre sous forme traumatique ne se laisse<br />

pas approcher sans les outils détaillés par Laurence Sterne, après Cervantes :<br />

– la mise en œuvre d’une fiction, qui perm<strong>et</strong> l’usage <strong><strong>de</strong>s</strong> parts autobiographiques<br />

les plus ru<strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong> l’auteur (comme aussi bien <strong>de</strong> l’analyste) : la mort <strong>de</strong><br />

son père militaire, la mort <strong>de</strong> ses frères <strong>et</strong> sœurs comme rythme <strong>de</strong> la vie familiale,<br />

la mort <strong>de</strong> presque tous ses propres enfants, <strong>et</strong>c.<br />

– la nécessité <strong>de</strong> la présence active d’un t h e r a p ô n, ici Trim, qui sait d’expérience<br />

<strong>de</strong> quoi il re t o u rne. Leur lien transférentiel, marqué d’une forme <strong>de</strong> récip<br />

rocité, n’a rien à voir avec la compassion. Il agit à partir d’un p<strong>et</strong>it temps<br />

d’avance que le thérapôn doit à l’autre qu’il accompagne.<br />

Partageant le même savoir du Réel, c<strong>et</strong>te relation thérapeutique va leur perm<strong>et</strong>tre<br />

<strong>de</strong> passer d’un point <strong>de</strong> honte <strong>et</strong> <strong>de</strong> ridicule, à un point <strong>de</strong> recul, d’où le<br />

temps arrêté du trauma va éventuellement pouvoir se re m e t t re en marche. Le<br />

corps, qu’il s’agisse directement du corps traumatisé, ou <strong>de</strong> ce qui s’en transm<strong>et</strong><br />

aux générations ultérieures, cesse alors d’être le champ clos d’une bless<br />

u re impossible à fermer (ici ce n’est pas une métaphore), pour passer, par le<br />

biais d’une carte, puis d’une reconstitution en relief, à la mise en espace, <strong>et</strong> à la<br />

transmission en mots.

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