24.06.2013 Views

Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:32 Page 269<br />

HISTOIRE 269<br />

Nous avons ainsi pu décrire un processus <strong>de</strong> « rattrapage », ou comblement<br />

progressif <strong><strong>de</strong>s</strong> inégalités, au moins au plan institutionnel <strong>et</strong> législatif. Lorsque le<br />

d é c r<strong>et</strong> dit « i n f â m e » concernant les juifs est arrivé à expiration en 1818, le<br />

consensus politique s’est fait sur l’idée qu’il n’était aucunement pertinent <strong>de</strong> le<br />

reconduire. Et l’on sait que c’est la Monarchie <strong>de</strong> Juill<strong>et</strong> qui a, dès ses tout premiers<br />

pas, décidé que les ministres du culte juif seraient rétribués par l’État<br />

comme ceux <strong><strong>de</strong>s</strong> autres cultes.<br />

Le régime s’est encore modifié sur un plan <strong>et</strong> un mo<strong>de</strong> qui sont plutôt celui<br />

<strong>de</strong> l’extension <strong><strong>de</strong>s</strong> principes. La Charte constitutionnelle du 4 j u i n 1814 porte<br />

que « chacun professe sa religion avec une égale liberté <strong>et</strong> obtient pour son<br />

culte la même pro t e c t i o n ». Mais l’article suivant affirme aussi que « c e p e n d a n t<br />

la religion catholique, apostolique <strong>et</strong> romaine est la religion <strong>de</strong> l’État ». Ces <strong>de</strong>ux<br />

p ropositions tout à fait contradictoires sont à l’origine d’une tension très<br />

fécon<strong>de</strong>, dont certains indices nous ont d’ailleurs laissé penser qu’elle avait pu<br />

être très délibérément installée.<br />

On remarque en eff<strong>et</strong> que la plupart <strong><strong>de</strong>s</strong> lois, dont certaines tout à fait réactionnaires,<br />

qui ont été votées pour donner une protection toute spéciale à la religion<br />

catholique, ont finalement été assorties d’articles qui étendaient ces<br />

dispositions aux autres cultes « a u t o r i s é s » ou « p ro t é g é s ». Ainsi, la loi sur la<br />

p resse du 25 m a r s 1822 punissait d’une peine <strong>de</strong> prison ou d’amen<strong>de</strong> quiconque<br />

aurait outragé ou tourné en dérision la religion <strong>de</strong> l’État. Mais la suite <strong>de</strong><br />

l’article prévoyait les mêmes peines « contre quiconque aurait outragé ou tourné<br />

en dérision toute autre religion dont l’établissement est légalement reconnu en<br />

F r a n c e ». Pre m i è re occurrence à notre connaissance du terme <strong>de</strong> « re c o n n u »<br />

dans le texte législatif, elle ouvre la voie à une véritable naturalisation du terme.<br />

C’est dans la discussion <strong>de</strong> 1830-1831 sur la rémunération <strong><strong>de</strong>s</strong> rabbins que<br />

le système semble précisément pre n d re forme. Elle vit en eff<strong>et</strong> la formulation<br />

d’une véritable doctrine <strong>de</strong> la « reconnaissance» <strong><strong>de</strong>s</strong> cultes par l’État, par la voix<br />

d’un Portalis certes, mais le fils du « g r a n d » Portalis, fidèle serviteur <strong>de</strong><br />

Bonaparte, expliquant précisément que son père n’était pas allé jusque-là. La<br />

reconnaissance <strong><strong>de</strong>s</strong> « re c o n n u s » est bien plus que la simple re c o n n a i s s a n c e<br />

légale aux eff<strong>et</strong>s encore très inégaux <strong>de</strong> l’époque napoléonienne. La « doctrine»<br />

en était énoncée <strong>de</strong> façon systématique par les ouvrages <strong>de</strong> droit <strong>et</strong> <strong>de</strong> jurispru<strong>de</strong>nce<br />

du début du Second Empire, qui en assuraient le caractère immuable en<br />

la renvoyant aux « Pères fondateurs » napoléoniens. Était ainsi consacré un système<br />

<strong>de</strong> pluralité certes limitative, mais néanmoins une pluralité effective, non<br />

limitée aux seuls cultes chrétiens, <strong>et</strong> dont l’extension a même été envisagée,<br />

notamment en 1848 (alors que les possibles besoins futurs du culte musulman<br />

avaient été évoqués à la Chambre dès le débat <strong>de</strong> 1831).<br />

La discussion <strong>de</strong> l’approche <strong>de</strong> notions aussi complexes que « re c o n n a i ssance»<br />

ou « laïcité », <strong><strong>de</strong>s</strong> modalités <strong>de</strong> leur émergence <strong>et</strong> du succès <strong>de</strong> leur affirmation<br />

dans le contexte français, s’est prolongée avec l’exposé <strong>de</strong> Mayyada<br />

Kheir sur son travail <strong>de</strong> doctorat consacré à « l’invention du vocabulaire <strong>de</strong> la<br />

laïcité entre Falloux <strong>et</strong> Ferry ».

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!