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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:34 Page 490<br />

490 ANNUAIRE <strong>2004</strong>-<strong>2005</strong><br />

C<strong>et</strong>te explication nous a semblé pour le moins spéculative. La découverte <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

n e u rones miroirs, sans doute la plus importante <strong>de</strong> ces vingt <strong>de</strong>rn i è res années<br />

en sciences cognitives, est néanmoins limitée à un type <strong>de</strong> mouvement, biologiquement<br />

essentiel en termes d’évolution, qui assure en eff<strong>et</strong> la survie <strong><strong>de</strong>s</strong> individus<br />

dont il effectue l’alimentation, éventuellement décomposé en diff é re n t s<br />

modules (pre n d re un obj<strong>et</strong> à pleine main, entre <strong>de</strong>ux doigts, <strong>et</strong>c., approcher la<br />

main <strong>de</strong> la bouche, <strong>et</strong>c.). Il serait intéressant <strong>de</strong> savoir si les écureuils disposent<br />

eux aussi d’un système <strong>de</strong> neurones miroirs. Observer ce mouvement chez un<br />

c o n g é n è re ou un individu d’une autre espèce active les mêmes neurones visiomoteurs<br />

tout simplement parce que c<strong>et</strong>te observation induit un mouvement <strong>de</strong><br />

c a p t u re <strong><strong>de</strong>s</strong> aliments d’autrui ou, selon l’expression populaire, incite à lui « v o l e r<br />

le pain <strong>de</strong> la bouche ». Par conséquent, le répertoire <strong>de</strong> mouvements intentionnels<br />

relevant du système miroir paraît bien trop re s t reint, même s’il est biologiquement<br />

fondamental, pour que l’empathie en pro c è d e .<br />

L’empathie est le serpent <strong>de</strong> mer <strong>de</strong> la psychanalyse. Pour Freud, qui a très<br />

bien connu l’œuvre <strong>de</strong> Lipps, l’empathie désignait une relation cognitive à<br />

autrui, diff é rente <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification qui constitue l’obj<strong>et</strong> pro p re <strong>de</strong> la psychanalyse<br />

<strong>et</strong> qui est une relation affective, ce que j’ai défini comme sympathie. Le rôle<br />

<strong>de</strong> l’empathie dans l’analyse se bornait pour Freud à rendre possible le transfert<br />

du patient, assuré que l’analyste prendra son point <strong>de</strong> vue <strong>et</strong> non pas celui d’un<br />

autre personnage <strong>de</strong> son drame intérieur <strong>et</strong> qui pourrait être une figure hostile. Il<br />

reviendra à l’école kleinienne d’élaborer ce continuum <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification à l’empathie<br />

en passant par la projection <strong>et</strong> l’introjection.<br />

Dans une seule expression énigmatique, Freud va plus loin <strong>et</strong> parle <strong>de</strong> l’empathie<br />

comme ce « qui prend la plus gran<strong>de</strong> part à notre compréhension <strong>de</strong> ce<br />

qui est étranger au moi [das Ichfrem<strong>de</strong>] chez les autres personnes. » L’empathie<br />

donnerait accès directement à l’inconscient d’autrui. Ferenczi a repris c<strong>et</strong>te idée<br />

en termes <strong>de</strong> « t a c t », défini comme une faculté d’empathie dont le psychanalyste<br />

doit faire preuve pour juger du moment opportun où il doit communiquer<br />

au patient l’interprétation <strong>de</strong> ses « tendances inconscientes ». Freud le mit en<br />

g a r<strong>de</strong> contre les éléments du contre-transfert <strong>de</strong> l’analyste qui peuvent se glisser<br />

dans c<strong>et</strong>te relation empathique. Et il le contraint à limiter l’empathie au préconscient.<br />

Ainsi, Freud a refermé la brèche qu’il avait ouverte : l’empathie n’est<br />

pas un outil <strong>de</strong> la psychanalyse, si elle perm<strong>et</strong> d’établir le transfert, elle risque<br />

<strong>de</strong> faciliter le contre-transfert.<br />

L’empathie ne pourra faire son entrée en psychanalyse qu’à l’une <strong>de</strong> ces<br />

<strong>de</strong>ux conditions : soit l’abolition <strong>de</strong> la différence <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux systèmes inconscient<br />

<strong>et</strong> préconscient-conscient, soit l’admission du contre-transfert comme dimension<br />

irréductible <strong>de</strong> l’analyse. La première a été remplie par Heinz Kohut dont la<br />

psychanalyse fondée sur l’introspection <strong>et</strong> l’empathie vient en droite ligne <strong>de</strong><br />

Titchener. La secon<strong>de</strong> a été remplie <strong>de</strong>puis que Paula Heimann a fait du contr<strong>et</strong>ransfert<br />

un élément d’analyse du transfert. C’est, en France, Daniel Widlöcher<br />

qui en a poursuivi le plus rigoureusement toutes les conséquences.

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