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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05/CC 16/02/06 15:25 Page 627<br />

ANTHROPOLOGIE 627<br />

capacité créatrice. De fait, l’existence <strong>de</strong> décalages entre une activité pre s c r i t e<br />

<strong>et</strong> une activité réelle, entre conception <strong>et</strong> utilisation sous-tend ses choix méthodologiques<br />

<strong>et</strong> théoriques. Ces décalages prennent d’autant plus d’importance<br />

qu’ils apparaissent dans <strong><strong>de</strong>s</strong> situations interc u l t u rel les où les contextes <strong>de</strong><br />

réceptions <strong><strong>de</strong>s</strong> techniques transférées sont rarement intégrés au processus <strong>de</strong><br />

conception.<br />

C<strong>et</strong>te forme d’accompagnement fait <strong>de</strong> l’anthropotechnologie une véritable<br />

technologie qui s’inscrit plus largement dans le champ <strong>de</strong> l’anthropologie <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

techniques, tel qu’il se développe <strong>de</strong>puis les années 1990, à la croisée d’un<br />

ensemble <strong>de</strong> disciplines <strong><strong>de</strong>s</strong> sciences humaines <strong>et</strong> sociales qui sans avoir <strong>de</strong><br />

généalogie commune ont toutefois su pro d u i re un ensemble d’approches <strong><strong>de</strong>s</strong><br />

relations entre l’homme <strong>et</strong> les techniques, reposant sur <strong><strong>de</strong>s</strong> cadres conceptuels<br />

relativement cohérents <strong>et</strong> fortement inspirés par le développement <strong><strong>de</strong>s</strong> s o c i a l<br />

studies of knowledge au <strong>cours</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies.<br />

u Affectivité, perception <strong>et</strong> anthropologie<br />

Alexandre Surrallés, chargé <strong>de</strong> recherche au CNRS<br />

LE début du séminaire a été consacré à un examen critique <strong>de</strong> l’apport<br />

majeur <strong>de</strong> l’anthropologie contemporaine : l’introduction <strong>de</strong> la corporéité<br />

perm<strong>et</strong>tant <strong>de</strong> colmater la fracture entre représentations idéelles <strong>et</strong> pratiques<br />

sociales qui traversait l’anthropologie <strong>de</strong> l’après-guerre. L’<strong>et</strong>hnographie <strong>de</strong> ces<br />

d e rn i è res décennies a fourni à foison, toutes aires culturelles confondues, les<br />

p reuves du bien-fondé d’enraciner le social dans le somatique. Cependant le<br />

corps apparaît en général comme un moyen statique d’expression du s o c i u s .<br />

Les substances, parties, organes <strong>et</strong> mouvements corporaux sont réduits au<br />

simple statut <strong><strong>de</strong>s</strong> composants ; l’analyste cherche le sens qu’ils recouvrent dans<br />

la culture, c’est-à-dire dans une projection extérieure au corps. Le corps apparaît<br />

donc comme une entité inerte <strong>et</strong> passive. La possibilité <strong>de</strong> donner vie au<br />

corps, c’est-à-dire <strong>de</strong> l’habiter <strong>et</strong> <strong>de</strong> lui donner du sens, appartient à un suj<strong>et</strong> <strong>de</strong><br />

connaissance détaché du corps. C<strong>et</strong>te perspective s’accor<strong>de</strong> avec une vision<br />

naturaliste duale <strong>de</strong> la perc e p t i o n : d’abord on perçoit un flux <strong>de</strong> stimuli sensitif<br />

chaotique à travers la physique <strong>de</strong> notre organisme <strong>et</strong> c’est seulement après<br />

que la cognition, à travers un suj<strong>et</strong> cognitif équipé d’un système <strong>de</strong> catégories<br />

préexistantes, donnera du sens <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’ordre à c<strong>et</strong>te expérience sensitive.<br />

La notion d’incorporation (e m b o d i m e n t ) <strong>et</strong> l’influence qu’elle exerce aujourd’hui<br />

semblent vouloir dépasser c<strong>et</strong> état <strong><strong>de</strong>s</strong> choses. Elle conduit en eff<strong>et</strong> à percevoir<br />

un corps non pas simplement comme un substrat passif où s’inscrivent<br />

les principes <strong>de</strong> l’organisation sociale. Toutefois, <strong>de</strong>ux aspects, qui apparaissent<br />

associés en général à l’usage <strong>de</strong> la notion d’incorporation (même si c<strong>et</strong>te notion<br />

a été employée dans <strong><strong>de</strong>s</strong> approches très distinctes), mériteraient un développement<br />

critique. En premier lieu, si, dans le paradigme <strong>de</strong> l’incorporation, le corps<br />

est introduit comme une source d’expérience sensible, on oublie <strong>de</strong> situer au<br />

c e n t re <strong>de</strong> ce paradigme la manière dont le corps ressent. Afin <strong>de</strong> bien distinguer

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