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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:33 Page 414<br />

414 ANNUAIRE <strong>2004</strong>-<strong>2005</strong><br />

les animaux» fon<strong>de</strong> en eff<strong>et</strong>, dans beaucoup <strong>de</strong> cas, une morphologie relationnelle<br />

dont on trouve une version transformée dans les pratiques chamaniques<br />

liées au « chant ».<br />

Au sein <strong>de</strong> ce nouveau contexte (qui fait écho à nos recherches précé<strong>de</strong>ntes<br />

à propos <strong><strong>de</strong>s</strong> « pictographies» yekuana) nous avons pu m<strong>et</strong>tre en évi<strong>de</strong>nce que<br />

ce qui se trouve souvent séparé dans la <strong><strong>de</strong>s</strong>cription <strong>et</strong>hnographique (la<br />

musique, l’action, l’image, l’énonciation <strong>de</strong> chants, <strong>et</strong>c.) doit être réarticulé du<br />

point <strong>de</strong> vue d’une anthropologie générale. C<strong>et</strong>te perspective implique à la fois<br />

l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> modalités <strong>de</strong> la mémoire <strong>et</strong> celles <strong>de</strong> la communication. Bref, pour<br />

c o m p re n d re la nature relationnelle <strong>de</strong> ces actes rituels, il faut en penser la<br />

synesthésie.<br />

Nous avons donc étudié d’une part le type d’articulation synestésique que<br />

l’acte rituel chamanique implique (mot/son/image), <strong>et</strong> d’autre part l’ensemble <strong>de</strong><br />

relations rituelles qui en constituent le fon<strong>de</strong>ment. Nous avons ainsi pu considérer<br />

sous un jour nouveau certains aspects essentiels du chant chamanique<br />

amérindien. Deux traits ont r<strong>et</strong>enu en particulier notre attention :<br />

1 . L’action rituelle chamanique nous m<strong>et</strong> en présence d’un modèle linéaire<br />

<strong>et</strong> cumulatif (par opposition au modèle fondé sur la réciprocité que nous avons<br />

pu i<strong>de</strong>ntifier dans d’autres contextes – cf. Naven, ou le Donner à voir. Essai d’interprétation<br />

<strong>de</strong> l’action rituelle, Éd. <strong>de</strong> la MSH-CNRS, 1994) <strong>de</strong> la construction<br />

d’une i<strong>de</strong>ntité complexe. C<strong>et</strong>te configuration résulte essentiellement <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntification<br />

simultanée, <strong>de</strong> la part du chamane chanteur, à la fois avec le mala<strong>de</strong> (sa<br />

douleur, son dépaysement…) <strong>et</strong> avec son agresseur surnaturel, dont il assume,<br />

à la manière d’un masque acoustique, l’image sonore.<br />

2 . Le processus <strong>de</strong> con<strong>de</strong>nsation rituelle qui conduit à la construction <strong>de</strong><br />

c<strong>et</strong>te i<strong>de</strong>ntité complexe <strong>de</strong> l’énonciateur s’appuie dans ce cas sur l’acte énonciatif<br />

lui-même, qui marque tour à tour une i<strong>de</strong>ntification mimétique avec l’esprit<br />

animal <strong>et</strong> avec sa proie potentielle. L’onomatopée, qui se trouve souvent lexicalisée<br />

dans ce genre <strong>de</strong> littérature rituelle, joue un rôle central dans c<strong>et</strong>te configuration.<br />

Dans ce cadre, le cri animal <strong>de</strong>vient parole, <strong>et</strong> la parole humaine gar<strong>de</strong><br />

e n t i è rement sa matière sonore. Le chant du chaman est souvent, quant à son<br />

contenu, l’auto-<strong><strong>de</strong>s</strong>cription d’un esprit : le cri animal, ou même l’image sonore<br />

qui peut en donner l’exécution d’une musique, assume, dans le re g i s t re iconique,<br />

la même fonction.<br />

Les premiers résultats <strong>de</strong> ces analyses conduisent à l’i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux<br />

niveaux <strong>de</strong> signification dans ces traditions : l’un, fondé sur l’aspect sémantique<br />

du dis<strong>cours</strong> chamanique, semble subordonné à un niveau pragmatique, qui<br />

oriente le contexte rituel <strong>de</strong> son énonciation. Ce <strong>de</strong>rnier niveau semble à la fois<br />

plus proche <strong><strong>de</strong>s</strong> pratiques chamaniques <strong>et</strong> moins sensible aux transformations<br />

que lui impose la mo<strong>de</strong>rnité. C<strong>et</strong>te distinction perm<strong>et</strong> <strong>de</strong> rendre compte du type<br />

<strong>de</strong> mémoire rituelle (constituée autant <strong>de</strong> pratiques <strong>de</strong> codification mnémonique<br />

que <strong>de</strong> moyens <strong>de</strong> propagation) qui est pro p re aux traditions chamaniques<br />

amérindiennes, <strong>et</strong> constitue la prémisse indispensable à l’analyse <strong><strong>de</strong>s</strong> pro c e ssus<br />

mentaux liés à l’établissement <strong>de</strong> la croyance.

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