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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:34 Page 495<br />

SIGNES, FORMES, REPRÉSENTATIONS 495<br />

faudra attendre le X X e siècle pour qu’on parle <strong>de</strong> générations <strong>de</strong> femmes<br />

( « génération Beauvoir » ou « génération MLF »), ou que la classe d’âge apparaisse<br />

enfin comme mixte.<br />

Nous avons interrogé la relation entre la polarité sexuelle <strong>et</strong> <strong><strong>de</strong>s</strong> dualités<br />

sociales comme celle du pur <strong>et</strong> <strong>de</strong> l’impur (à partir <strong>de</strong> L’Homme <strong>et</strong> le sacré d e<br />

Roger Caillois) ou le cas <strong><strong>de</strong>s</strong> paires <strong>de</strong> totems chez Lévi-Strauss dans L e<br />

Totémisme aujourd’hui. Dans l’intention explicite d’inclure les sociétés primitives<br />

dans la pensée civilisée <strong>et</strong> rationnelle, Lévi-Strauss insiste sur le fait que<br />

les animaux totémiques ne sont pas les ancêtres <strong><strong>de</strong>s</strong> groupes mais plutôt leurs<br />

emblèmes. Plutôt qu’une ressemblance entre tel groupe <strong>et</strong> son totem, il faut<br />

comprendre l’analogie <strong>de</strong> structure entre, par exemple, <strong>de</strong>ux moitiés d’une tribu<br />

<strong>et</strong> <strong>de</strong>ux espèces animales, à la fois voisines <strong>et</strong> opposées. S’inspirant <strong>de</strong><br />

B e rgson, l’anthropologue, rattache ainsi toute organisation sociale à une<br />

pensée logique, fruit <strong>de</strong> la structure même <strong>de</strong> l’esprit, voire du cerveau, <strong>et</strong> qui<br />

construirait les groupes sociaux à partir <strong>de</strong> la notion d’opposition <strong>et</strong> <strong>de</strong> genre<br />

tirée <strong>de</strong> l’enten<strong>de</strong>ment. Nous nous sommes <strong>de</strong>mandé si l’union <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux termes<br />

opposés, comme modèle d’organisation, provenait simplement d’un schéma<br />

logique : il nous a semblé au contraire que le modèle <strong>de</strong> la division sexuelle n’est<br />

pas du tout celui d’une logique binaire, mais qu’il tire sa force du caractère<br />

fécond <strong>de</strong> l’union <strong><strong>de</strong>s</strong> sexes : ceux-ci ne sont pas <strong><strong>de</strong>s</strong> catégories statiques, mais<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> puissances génératrices.<br />

Nous avons observé chez Bergson que l’imaginaire philosophique se précipite<br />

à sa façon sur le « modèle » <strong>de</strong> la différence sexuelle lorsqu’il rencontre une<br />

division sociale: dans Les <strong>de</strong>ux sources <strong>de</strong> la morale <strong>et</strong> <strong>de</strong> la re l i g i o n, le philosophe<br />

compare la nécessité, pour l’individu, <strong>de</strong> se ranger du côté <strong>de</strong> ceux qui<br />

comman<strong>de</strong>nt ou <strong>de</strong> ceux qui obéissent, avec la nécessité, pour l’embryon, <strong>de</strong><br />

choisir entre les <strong>de</strong>ux sexes (sans voir que la hiérarchie sociale <strong><strong>de</strong>s</strong> sexes inspire<br />

plus c<strong>et</strong>te comparaison que la seule alternative biologique). De même, pour<br />

Bergson, celui qui en pério<strong>de</strong> révolutionnaire, cesse d’être un suj<strong>et</strong> pour <strong>de</strong>venir<br />

un chef impitoyable est comme ces abeilles ouvrières qui poignar<strong>de</strong>nt le mâle<br />

<strong>de</strong>venu inutile à la ruche…<br />

Avec Bachelard, nous avons étudié, la polarité <strong><strong>de</strong>s</strong> sexes dans l’imaginaire<br />

préscientifique. La croissance <strong><strong>de</strong>s</strong> métaux dans les mines, comme la transmutation<br />

<strong>de</strong> métaux vils en métaux nobles, pour les alchimistes, ont en eff<strong>et</strong> été pensées<br />

sur le modèle <strong>de</strong> la fécondation sexuelle. Le principe du « m a r i a g e » fécond<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> substances montre que la prégnance du schème <strong>de</strong> l’opposition <strong><strong>de</strong>s</strong> sexes<br />

tient principalement au principe <strong>de</strong> sa fécondité. Ce ne sont pas les org a n e s<br />

sexuels comme tels qui intéressent l’imaginaire, c’est leur puissance génératrice.<br />

On constate également que le modèle <strong>de</strong> la génération sexuelle suggère le<br />

principe général d’une fécondité <strong><strong>de</strong>s</strong> contraires, voire <strong>de</strong> la production <strong>de</strong> l’un<br />

par l’autre : la corruption est cause <strong>de</strong> génération, la puanteur prépare le parfum<br />

<strong>et</strong>c. C’est peut-être c<strong>et</strong>te logique qui, au-<strong>de</strong>là <strong><strong>de</strong>s</strong> antiques comparaisons entre<br />

le combat du guerrier <strong>et</strong> l’accouchement, conduit le X X e siècle à voir la guerre<br />

elle-même comme sacrifice sanglant mais régénérateur. dans les années trente,

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