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Comptes rendus des cours et conférences de l'EHESS 2004-2005

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CR Enseignement 04-05 16/02/06 15:33 Page 359<br />

ANTHROPOLOGIE SOCIALE, ETHNOGRAPHIE ET ETHNOLOGIE 359<br />

continuité germinale (1883) <strong>et</strong> celle <strong>de</strong> Men<strong>de</strong>l sur les mécanismes <strong>de</strong> l’hérédité<br />

(1865), travaux qui permirent d’éclairer certaines zones d’ombres <strong>de</strong> L’ o r i g i n e<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> espèces. Enfin, nous avons présenté la vulgate contemporaine, celle <strong>de</strong> la<br />

théorie synthétique <strong>de</strong> l’évolution, développée à partir <strong><strong>de</strong>s</strong> années 1930-1940<br />

par Dobzhansky, Mayr <strong>et</strong> Simpson, mentionnant au passage quelques par<strong>cours</strong><br />

plus atypiques, ceux <strong>de</strong> l’approche neutraliste <strong>de</strong> Kimura ou <strong><strong>de</strong>s</strong> équilibre s<br />

ponctués <strong>de</strong> Gould <strong>et</strong> Eldredge.<br />

Nous nous sommes alors essayés à m<strong>et</strong>tre ce cheminement en parallèle<br />

avec celui qui se produisait à la même époque dans le cadre <strong>de</strong> l’anthropologie<br />

évolutionniste. D’abord en revenant sur les linéaments <strong><strong>de</strong>s</strong> idées communes<br />

aux <strong>de</strong>ux modèles, qui s’avérèrent finalement peu nombreuses <strong>et</strong> n’eurent pas<br />

toujours la postérité qu’on leur suppose dans le champ <strong><strong>de</strong>s</strong> Sciences <strong>de</strong><br />

l’Homme.<br />

Ainsi <strong>de</strong> celle <strong>de</strong> « sélection » qu’on attribue – <strong>de</strong> l’aveu <strong>de</strong> Darwin – au seul<br />

Essai sur le principe <strong>de</strong> la population <strong>de</strong> 1798 <strong>de</strong> Malthus, alors qu’elle pre n d<br />

déjà fermement racine dans les idées <strong><strong>de</strong>s</strong> XVII e <strong>et</strong> XVIII e siècles, chez Hobbes ou<br />

Rousseau, qui voient l’Homme sortir <strong>de</strong> l’animalité soit aiguillonné par le désir<br />

<strong>de</strong> fuir un état <strong>de</strong> guerre permanente, <strong>de</strong> tous contre tous, soit par une volonté<br />

<strong>de</strong> rationaliser l’exploitation <strong><strong>de</strong>s</strong> ressources naturelles. Or, c<strong>et</strong>te notion <strong>de</strong> sélection<br />

n’eut plus guère d’écho par la suite dans les travaux <strong><strong>de</strong>s</strong> anthro p o l o g u e s<br />

stricto sensu. Également, bien entendu, du concept même « d ’ é v o l u t i o n » que<br />

Spencer avait posé dès 1852 <strong>et</strong> que les naturalistes re p re n d ront bientôt à leur<br />

c o m p t e ; concept qui, s’il aura une postérité réelle dans les <strong>de</strong>ux domaines,<br />

recouvrira bientôt <strong><strong>de</strong>s</strong> contenus totalement disparates.<br />

Plutôt en eff<strong>et</strong> que les notions clés <strong>de</strong> sélection, <strong>de</strong> hasard ou <strong>de</strong> compétition<br />

qui sont au cœur même <strong>de</strong> l’œuvre <strong>de</strong> Darwin, ce sera d’autres concepts<br />

qui formeront in fine l’armature théorique véritable <strong>de</strong> l’anthropologie évolutionniste.<br />

Or, ces <strong>de</strong>rniers ne tro u v e ront alors plus le moindre écho dans la pensée<br />

naturaliste. Ainsi <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> « s t a d e s » d’évolution qu’on doit à l’Essai sur les<br />

mœurs (1736) <strong>de</strong> Voltaire <strong>et</strong> auquel l’historien Adam Ferguson donnera dès 1767<br />

sa formulation tripartie définitive : sauvagerie/barbarie/civilisation. C<strong>et</strong>te idée<br />

d’évolution linéaire <strong>de</strong> l’humanité, sur laquelle feront fond les théories raciales<br />

du début du XIX e siècle (celles <strong>de</strong> Klemm, <strong>de</strong> Steffens, <strong>de</strong> Carus ou <strong>de</strong> Gobineau)<br />

<strong>et</strong> qui est totalement absente du Darwinisme, formera pourtant la trame principale<br />

sur laquelle bro d e ront les grands penseurs <strong>de</strong> l’anthropologie évolutionniste<br />

<strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième moitié du siècle : Morgan, Bachoffen <strong>et</strong> Tylor.<br />

Nous avons ainsi vérifié que les idées <strong>de</strong> l’anthropologie évolutionniste,<br />

avec sa vision téléologique <strong>et</strong> linéaire <strong>de</strong> l’évolution culturelle, durent peu aux<br />

concepts spécifiques pro p res à l’évolutionnisme biologique alors que les<br />

emprunts en sens inverse, au moins dans un premier temps, furent plus fréquents.<br />

Mais paradoxalement, nous avons également constaté que l’empreinte<br />

du modèle biologique – voire sociobiologique –, est bien plus prégnante dans<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> approches sociologiques contemporaines qui ne se revendiquent pourtant<br />

pas aussi explicitement <strong>de</strong> la pensée évolutionniste que les œuvres <strong>de</strong> leurs<br />

<strong>de</strong>vanciers. Ainsi <strong>de</strong> certains travaux <strong>de</strong> l’anthropologie cognitive qui vulgarisent<br />

<strong><strong>de</strong>s</strong> idées directement inspirées <strong>de</strong> l’évolutionniste biologique, du moins

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