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Ville

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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />

contraire, ce sont les préfixes et les terminaisons de "chahr" qui ont leurs propres<br />

connotations contradictoires. Tout dépend de l’emplacement de "no" (neuve) auprès<br />

de "chahr" (ville). Les mots "no-chahr"(neuve-ville) et "chahr-no"(ville-neuve)<br />

présentent, chacun, une sémiotique opposée à l’autre.<br />

Les deux autres composants morphologiques de la "ville" qui ont des<br />

connotations considérables sont faits d’un préfixe opposé : "bâla" ("haut" et ici<br />

"nord") et "païne" ("bas" et qui signifie ici "sud"). En ajoutant ces deux termes au<br />

début du mot "chahr", nous obtenons deux composants significatifs qui nous<br />

invitent à saisir leur sens implicite. D’abord il faut éclairer un peu le contexte dans<br />

lequel ces deux termes s’emploient en Iran. Ils appartiennent à la vie des téhéranais.<br />

Cette ville se situant au pied des montagnes magnifiques, se trouve sur un terrain en<br />

pente. Le nord, c’est en haut de la pente, au pied de la montagne (bâla-chahr), et le<br />

sud, c’est au bas de la pente, presque une surface horizontale (païne-chahr). Les<br />

arrondissements et les quartiers du nord de Téhéran sont beaucoup plus propres,<br />

beaux et plus chic que ceux du sud. Les habitants du nord de Téhéran sont grosso<br />

modo des gens riches, tandis que les quartiers du sud sont considérés comme des<br />

quartiers difficiles et dont les habitants sont des ouvriers et des petits commerçants<br />

pas riches. Alors il y a deux mondes contradictoires au niveau de la finance, de la<br />

culture, du mode de vie, même de la pollution etc. à Téhéran : le "païne-chahr" (sudville)<br />

et le " bâla-chahr" (nord-ville). Le premier a, non seulement à Téhéran mais<br />

aussi dans les autres villes de l’Iran (sans savoir si ces composants conviennent bien<br />

à la position géographique de la ville en question), une connotation péjorative et<br />

humiliante et le second nous livre le secret d’une vie et d’une culture délicates et<br />

souhaitables. Le composant "païne-chahr" (sud-ville) connote plutôt la pire<br />

condition de la culture, du mode de vie et de l’économie de la vie dans les quartiers<br />

peuplés et difficiles à Téhéran et dans d’autres villes iraniennes. Mais le "balachahr",<br />

au contraire, est prodigieux et prestigieux à la fois. Des expressions comme<br />

« lui, il est de "bâla-chahr" », « ici, c’est "bâla-chahr" », « "bâla-chahr", c’est mon<br />

rêve » trouvent leur origine sémiotique dans la culture iranienne. En effet, ces deux<br />

composants morphologiques du mot "chahr" ne désignent pas seulement les<br />

quartiers du sud et ceux du nord de Téhéran, mais la vie en Iran en général, un mode<br />

de vie avec tous ses plaisirs et toutes ses difficultés.<br />

Il apparaît que la capitale iranienne, Téhéran, joue un rôle important dans la<br />

vie des Iraniens par rapport aux autres villes. Cette grande ville nous laisse une<br />

certaine sémiotique qui s’interprète par la vie des Iraniens. Par exemple, les<br />

téhéranais ne veulent pas accepter les provinciaux comme des gens de bonne<br />

souche. Pour les refuser et, parfois avec un langage implicite, pour les humilier, ils<br />

les appellent "chahr-estâni" c’est-à-dire les "provinciaux". Ce composant<br />

morphologique comporte un langage mordant. "Chahr-estâni" n’est pas un ou une<br />

simple provincial(e) qui ne vit pas dans la capitale iranienne, mais il s’agit plutôt de<br />

quelqu’un qui ne connaît pas civisme, ni les attitudes des citoyens téhéranais. Le<br />

mot "chahr-estâni" a parfois une véritable influence sur la vie de certains Iraniens<br />

qui sont la plupart du temps très méfiants envers les provinciaux. Les mots<br />

incompatibles "téhéranais et chahr-estânis" ont même leur racine dans les relations<br />

familiales et sociales. Certain(e)s téhéranais (es) ne sont pas prêt(e) s, par exemple,<br />

à partager leur vie conjugale avec des provinciales ou des provinciaux et vice versa.<br />

Il est à noter que ce composant morphologique, "chahr-estâni" a un large<br />

champ référentiel. Il couvre non seulement les villes provinciales, y compris les<br />

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