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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
humain entre la politesse et un désir de comportement « sauvage » défiant les<br />
limites et les interdits… Le héros de son roman La Guerre des gymnases en<br />
prend conscience d’une certaine façon : témoin d’une scène de violence par<br />
une porte entrouverte près des vestiaires du gymnase, il entrevoit, le temps<br />
d’un éclair, un homme battant une femme : cette vision bouleverse ses<br />
repères, elle s’impose dans « toute la réalité inextricable d’un monde » :<br />
Son système était basé sur la politesse, sur une façon de se comporter<br />
qui lui paraissait raisonnable. Mais il ne fallait pas écarter la possibilité que cette<br />
politesse s’accroisse, d’une manière exorbitante, à l’infini, jusqu’à contenir toutes<br />
les violences et toutes les vulgarités, et que cette expansion même soit la condition<br />
de réalité du réel.<br />
Ce qui aboutit quelques lignes plus loin à une sorte de définition<br />
de la réalité : « La réalité n’annule pas les fantaisies, elle les intègre, en<br />
devenant une totalité 1 ». La littérature serait un peu comme cette totalité, un<br />
langage qui pourrait contenir à l’infini dans la clôture des livres raison et<br />
déraison, logique et paradoxe, civilisation et barbarie, comme une ville ou un<br />
corps dont le cœur « sauvage » et palpitant irriguerait les artères…<br />
Des bons airs de Buenos Aires au vent bavard de la Pampa, c’est<br />
dans un souffle créateur que les langages de la ville se métamorphosent sous<br />
la plume de César Aira, qui marque de son empreinte personnelle un espace<br />
tour à tour léger, dense, insaisissable, violent, comme l’air contenu aussi<br />
dans son patronyme… Dans le palimpseste des langages de la ville, comme<br />
dans celui du livre, s’inscrit le mouvement perpétuel, le séisme perpétuel, de<br />
l’écriture littéraire.<br />
Cristina BREUIL<br />
Université Stendhal, Grenoble 3<br />
breuila@aol.com<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
AIRA C., La guerra de los gimnasios, Buenos Aires, Emecé Editores, 1993.<br />
AIRA C., La Guerre des gymnases, traduction de Michel Lafon, Marseille,<br />
André Dimanche Editeur, 2000.<br />
AIRA C., La costurera y el viento, Rosario, Beatriz Viterbo Editora,<br />
« Ficciones », 1994.<br />
AIRA C., El sueño, Buenos Aires, Emecé Editores, 1998.<br />
AIRA C., La Villa, Buenos Aires, Emecé Editores, 2001.<br />
AIRA C., Le Manège, traduction de Michel Lafon, Marseille, André<br />
Dimanche Editeur, 2003.<br />
AIRA C., Diccionario de autores latinoamericanos, Buenos Aires, Emecé<br />
Editores-Ada Korn Editora, 2001.<br />
AUGÉ M., Non lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité,<br />
Paris, Seuil, « La Librairie du XX e siècle », 1992.<br />
BORGES J.L., Œuvre poétique 1925-1965, mise en vers français par Ibarra,<br />
Paris, Gallimard, 1970 (titre original Obra poética, Buenos Aires, Emecé<br />
Editores, 1965).<br />
1 La Guerre des gymnases, p. 47.<br />
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