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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
par les axes de circulation permettant ainsi, de relier les territoires<br />
graphiques entre eux. La ville devient un espace d’écritures qui « se donne<br />
comme un réseau alvéolaire aux périphéries extensibles » 1 dont<br />
l’organisation spatiale révèle tout de même une mise en relation et de<br />
connexion d’un réseau graphique fortement structuré.<br />
4.2. Le tag, une écriture dans et en réseau<br />
Un tag ne s’appréhende jamais seul mais toujours en interaction et une<br />
lecture possible au sens d’un déchiffrage n’est accessible que grâce à la<br />
multiplicité des graphies. Le tag est une inscription de la variation, de la<br />
transreformulation qui laisse entrevoir une production faite de répétitions,<br />
d’altérations en transformation perpétuelle, qui est plus à voir qu’à lire dans<br />
ses multiples réécritures. (Annexe 4). Jugées illisibles et indéchiffrables,<br />
toutes les variantes d’un même tag ne le sont pas car différentes étapes du<br />
lisible à illisible sont déclinées. Le tag ne se lit alors qu’en relation les uns<br />
avec les autres et par conséquent qu’en réseau. Ainsi, se met en place dans<br />
les inscriptions une sorte de polygraphie scripturale dans la mesure où un tag<br />
peut être lu par le biais d’un ou des éléments scripturaux provenant d’un<br />
autre. Cela s’observe sur une forme graphique ou sur un style de lettre. Tout<br />
un jeu de renvoi d’une forme à l’autre à l’intérieur d’une même graphie et<br />
entre des graphismes différents autorisent une lecture qui peut se faire du<br />
point de vue interindividuelle ou intra individuelle.<br />
La lecture en réseau n’est possible que grâce à deux types de réseaux en<br />
superposition, le réseau de circulation urbain qu’il utilise auquel se rajoute le<br />
réseau d’écritures qui constitue un lieu d’échanges graphiques. Un élément,<br />
un style réapproprié tisse une relation graphique avec un tag et les autres. Les<br />
relations entre les inscriptions font bouger les graphies par ajout,<br />
modification ou retrait. Ainsi, reliés les uns aux autres dans une sorte de<br />
chaîne graphique invisible ; au réseau territorial de circulation urbaine<br />
s’incruste l’ancrage scriptural qui suit ce réseau et en même temps s’en<br />
écarte. Déterminant des lieux d’ancrage qui représentent des points<br />
d’échanges, de transition pour les tagueurs, ce réseau d’écritures « brise<br />
l’enchaînement à un lieu en déplaçant les valeurs qui régissent la distribution<br />
des espaces sociaux ». 2 La mobilité des réseaux et l’inscription sociale sont<br />
ainsi liées dans la pratique taguée. Toutefois, le double réseau (de circulation<br />
et scriptural) manifeste les échanges entre les individus et est le reflet d’une<br />
certaine forme de sociabilité. Les tagueurs deviennent ainsi des « acteurs « de<br />
la ville dans la mesure où ils agissent sur elle et ses configurations, car<br />
« habiter une ville, c’est y tisser par ses allées et venues journaliers, des<br />
parcours articulés autour de quelques axes directeurs. » 3<br />
Mais, cette lecture du tag ne s’opère que dans un mouvement : celui de la<br />
marche faisant de la rue un espace à construire. L’inscription du tag sur les<br />
1 . Jean REMY, “ La ville : réseau alvéolaire et mobilité spatiale ”, Figures architecturales et<br />
formes urbaines, Genève, Anthropos, 1994, p. 117.<br />
2 . Michel KOKOREFF, “ Espaces des jeunes, territoires, identités et mobilité ”, Annales de la<br />
Recherche Urbaine n°59/60, p. 177.<br />
3 . Jacques GRACQ, La forme d’une ville, Paris, Corti, 1985.<br />
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