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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
Npr 1 qu’on choisira de s’attarder : on verra dans l’insertion du Npr dans des<br />
constructions avec déterminant — la combinaison des Npr "Rome" et "Paris" avec<br />
l’article défini et une expansion, avec les déterminants possessif ou démonstratif —<br />
des marques linguistiques des orientations discursives qui commandent les<br />
positions d’observation du sujet, les modalisations de l’acte de perception et de<br />
gestion cognitive et affective des relations avec l’objet.<br />
La réflexion sera développée en trois temps. Tout d’abord, à partir des SN<br />
définis et possessifs avec le Npr "Rome", on croisera les points de vue de la<br />
linguistique avec ceux de la sémiotique pour dégager les opérations sémantiques à<br />
la base des tentatives de fragmentation et de réorganisation de l’objet "ville",<br />
esquissant une syntagmatique. Ensuite, focalisant la détermination démonstrative,<br />
on s’emploiera à montrer que l’articulation de l’espace et du temps autour de la<br />
deixis de l’observateur implique la prise en compte de l’épaisseur du discours. Làdessus,<br />
une troisième partie visera à ériger ce principe d’appréhension de la ville en<br />
modèle plus général.<br />
1. LES AVATARS DE LA DENOMINATION PROPRE : DE LA<br />
PARTITION DE L’OBJET "VILLE" A SA RECOMPOSITION<br />
S’inscrivant dans le sillage de Kripke 2 , l’on peut considérer le Npr comme<br />
un "désignateur rigide" vide de sens, confirmant l’identité d’un individu en vertu<br />
d’une chaîne causale qui a son origine dans le particulier lui-même, à la suite d’un<br />
acte de baptême. Dire que la réussite de la référence propriale est fonction, en<br />
contexte, des capacités de repérage "déictique" 3 du référent, par réactivation, pour<br />
chaque énoncé, du "référent initial" 4 du nom propre, c’est alors en souligner la<br />
stabilité et l’unicité. L’on peut aussi mettre en avant le "mécanisme social" 5 de<br />
transmission du nom propre et retenir avec W. De Mulder que "ce qui compte, ce<br />
n’est pas le référent initial, mais la représentation qu’on a du référent du nom<br />
propre au moment où l’on emploie celui-ci" 6 . L’on mise, dans tous les cas, sur la<br />
singularité d’un référent, projetant l’idée d’une certaine continuité, bien loin,<br />
semble-t-il, de ces Npr dépourvus de "rigueur référentielle" que P. Cadiot et Y.-M.<br />
Visetti diraient "mythiques" 7 . En vertu de son caractère historiquement contraint,<br />
chaque emploi du Npr paraît drainer le feuilleté des discours qui, au fil du temps, se<br />
sont croisés, alimentés et relayés, des informations encyclopédiques ou des<br />
1 Cf. notamment G. Kleiber, Nominales. Essais de sémantique référentielle, Paris, Armand Colin, 1994.<br />
2 S. Kripke, Naming and Necessity, Oxford, Basil Blackwell, 1980 ; trad. fr., La logique des noms<br />
propres, Paris, Les Éditions de Minuit, 1982.<br />
3 M.-N. Gary-Prieur, Grammaire du nom propre, Paris, P.U.F., 1994, p. 104. Voir aussi les commentaires<br />
de P. de Carvalho qui, en réaction à une communication de K. Jonasson, insiste sur la "compétence<br />
particulière" du locuteur, la "connaissance de "sujet parlant de chair et de sang"" (K. Jonasson, "La<br />
référence des noms propres relève-t-elle de la deixis ?", dans M.-A. Morel & L. Danon-Boileau (éds.), La<br />
deixis, Paris, P.U.F., 1992, p. 466).<br />
4 Pour M.-N. Gary-Prieur, "le référent initial d’un nom propre dans un énoncé est l’individu associé par<br />
une présupposition à cette occurrence du nom propre en vertu d’un acte de baptême dont le locuteur et<br />
l’interlocuteur ont connaissance", Grammaire du nom propre, op. cit., p. 29.<br />
5 G. Kleiber, Problèmes de référence : descriptions définies et noms propres, Paris, Klincksieck, 1981,<br />
p. 379. Pour les positions adoptées traditionnellement, cf. notamment Nominales, op. cit., p. 66-67.<br />
6 W. De Mulder, "Nom propre et essence psychologique. Vers une analyse cognitive des noms propres ?",<br />
Lexique, 15, 2000, p. 51.<br />
7 P. Cadiot & Y.-M. Visetti, Pour une théorie des formes sémantiques. Motifs, profils, thèmes, Paris,<br />
P.U.F., 2001, p. 176.<br />
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