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Ville

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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />

des niveaux de langage, la langue populaire devenant le langage<br />

conventionnel :<br />

… ils se résignaient à adopter la langue des marchés et à parler,<br />

eux aussi, sur le mode conventionnel, celui de la simple relation et du fait<br />

divers, de la chronique quotidienne en quelque sorte.<br />

S’agissant du syntagme « le langage de la ville » il faut noter que<br />

l’auteur ne l’emploie qu’une seule fois dans le roman, au moment où il parle<br />

du langage apocalyptique qui annonçait des séries d’événements.<br />

Le temps a été modifié dans la vision et dans la vie des Oranais, qui<br />

ne vivaient que dans le présent car l’événementiel efface, brouille les autres<br />

divisions temporelles et prive la population de l’habitude de calculer la durée<br />

de leur séparation. Dans cette optique le narrateur dit :<br />

… à la vérité tout devenait présent ;… l’amour demande un peu<br />

d’avenir, et il n’y avait plus pour nous que des instants ou vivre au jour le<br />

jour.<br />

La peste supprime l’avenir, les déplacements.… ;<br />

Au deuxième stade de la peste, ils perdirent la mémoire.<br />

Si on applique les idées de P. Ricœur sur la mémoire on pourrait dire que<br />

perdre la mémoire c’est perdre le passé [11].<br />

La construction et l’instauration de nouvelles pratiques demandaient<br />

du temps, d’où le discours de l’auteur qui parle de l’installation de la peste,<br />

ce qui implique la durée :<br />

. … Nous savions alors que notre séparation était destinée à durer,<br />

que nous devions essayer de nous arranger avec le temps.<br />

Le temps de l’événementiel est alors envisagé par les Oranais<br />

comme rallongé :<br />

… les journées terribles de la peste… apparaissent plutôt comme un<br />

interminable piétinement qui écrasait tout sur son passage.<br />

A part cela, A. Camus parle de la longueur de la journée, du long<br />

temps de la séparation, du long temps de l’exil ; l’épidémie prolongeait ses<br />

effets pendant de longs mois, cette longue suite de soirs toujours semblables<br />

etc.<br />

L’allongement de la durée de la peste, l’existence pour les Oranais<br />

d’une seule division temporelle, le présent, transforme l’événementiel en<br />

quelque chose d’ordinaire :<br />

Tout le temps de la peste ne fut qu’un long sommeil pour la ville, ce<br />

n’est que dans la nuit que ces dormeurs se réveillaient, mais :<br />

Au matin, ils revenaient au fléau, c’est-à-dire, à la routine.<br />

Néanmoins, si grande que soit la force du fléau en tant que fait<br />

événementiel, le pouvoir du temps est encore plus grand car il affecte<br />

progressivement ce fait du trait de la banalité, en déclenchant des réactions<br />

mécaniques, irréfléchies, finalement en mettant en place l’habitude.<br />

Par conséquent, le duratif de l’événementiel conditionne l’apparition<br />

de nouveaux stéréotypes et transforme le caractère du phénomène. La<br />

métamorphose que subit l’événementiel devient mode de vie des habitants de<br />

la ville :<br />

… la peste leur apparaissait comme la forme même de leur vie où<br />

ils oublieraient l’existence… qu’ils avaient pu mener.<br />

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