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ECOLE DE BUJUMBURA, ECOLE DE LA FUITE VERS UN « AILLEURS »<br />
l’essentiel des valeurs qui font qu’un homme est un homme dans une culture<br />
donnée, pour les marier avec les valeurs homologuées mondialement, en<br />
opérant un mixage raisonné et contextualisé des différentes sources de<br />
référence ; pour engendrer une société où l’humain et l’interpersonne sans<br />
frontières se retrouvent ; où le local et le mondial s’épousent 1 .<br />
De la sorte, pour être bien utile à la mondialisation,<br />
l’interculturation contextualisée doit faire le plus possible attention à la<br />
dimension spirituelle et communautaire de la personne humaine qui, une<br />
fois située au cœur de la mondialisation, peut servir d’antidote contre une<br />
globalisation organisée sur fond d’un individualisme primaire et vulgaire,<br />
pour être seulement propre à aider le plus fort à phagocyter le plus faible 2 ; et<br />
à faire en sorte que l’infortuné perde pied chez lui et décide de se réfugier<br />
chez le plus fort. Dans ce contexte décourageant, les migrations clandestines<br />
ne peuvent que pilluler, comme il est montré plus haut, avec des<br />
embarcations de fortune s’il le faut.<br />
Cela étant, pour réussir la formation à une saine mondialisation, il<br />
faut radicalement s’adresser, avant tout, à l’être humain en tant que tel ; et à<br />
tout l’être humain, surtout dans tout ce que celui-ci a de sacré ; au lieu de se<br />
fonder sur le seul échange de choses, tel qu’il en est malheureusement<br />
aujourd’hui dans les règles du commerce mondial 3 . Cette sémantique<br />
réductrice, poussée à l’extrême, ne peut du reste qu’engendrer, dès la<br />
formation scolaire, une chosification des personnes, avec toutes les<br />
conséquences des violences en chaîne : conceptuelle, verbale et physique.<br />
Si, par contre, la personne humaine est prise au sérieux dans la<br />
formation à une saine mondialisation, les cultures des peuples et même celles<br />
des plus faibles, seront prises en compte. Je souligne bien, les cultures des<br />
plus faibles ! Sans mettre au premier plan, surtout la culture des faibles, dans<br />
le commerce mondial, l’école des grandes villes africaines n’aboutira qu’aux<br />
massacres des innocents ; elle ne sera qu’un monstre qui vide les jeunes de<br />
leur âme ; un bulldozer en douceur, qui arrache ces derniers à leur pays, pour<br />
les former à fuir vers un ailleurs.<br />
Une telle formation ne produirait que des hommes de paille, chez<br />
qui un contrat, fût-il d’affaire, ne sera qu’un chiffon de papier, contournant<br />
allègrement l’éthique du commerce mondial 4 . On ne badine pas avec la<br />
déculturation. Par contre, seule l’interculturation contextualisée, telle que<br />
définie plus haut, peut asseoir la formation à la mondialisation sur de bonnes<br />
1 Cf. A. NTABONA, « Pour une communication holistique, intégrant oralité, écriture et<br />
audiovisuel », in La Communication, Actes du 16 ème Colloque d’Albi. « Langages et<br />
Signification », Ed. CALS Toulouse, 1995, pp. 27-53.<br />
2 Cf. Achille MBEMBE, « Etats, violence et accumulations en Afrique Noire », in ACA, 1989/1,<br />
pp. 22-41.<br />
3 A l’échelle locale, la recherche de Philippe NTAHOMBAYE a inspiré ces lignes. Cf. Ph.<br />
NTAHOMBAYE, « Evolution de la solidarité traditionnelle et le développement socioéconomique<br />
au Burundi », in ACA, 1992/2-3, pp. 181-206.<br />
4 Cette prise de réflexion est parti de la réflexion de B. BUJO sur la compréhension du droit en<br />
Afrique. Cf. B. BUJO, « La compréhension du Droit dans le contexte traditionnel africain », in<br />
ACA, 1992/4, pp. 568-579.<br />
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