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Ville

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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />

lieu en a eu la capacité. L’humain sera retrouvé, un cosmos reconstitué, dès lors que<br />

cette politicité sera redevenue effective. L’architecture contient une réponse à la<br />

dépolitisation actuelle à partir du moment où elle comprend que son enjeu est de<br />

créer les conditions du pouvoir habiter pour l’homme devenu trajet.<br />

* * *<br />

L’architecture rencontre des enjeux inédits pour elle, qui prennent<br />

l’apparence de l’inverse de ce qu’elle fut jusqu’ici. Elle est appelée à être un art du<br />

nomadisme et de la déterritorialisation, alors que depuis ses origines elle était l’art<br />

de la sédentarité et de l’enracinement. Comment habiter le trajet, la trajectoire, la<br />

forme nouvelle prise par l’homme ? Quelle jeunesse à venir pour le plus ancien de<br />

tous les arts ? La situation anthropologique contemporaine est celle, puisqu’aucun<br />

cosmos n’a encore été maçonné autour de l’homme-trajet qu’elle a fait surgir, non<br />

de l’inhumain, mais d’une oscillation entre le déshumain, l’humain défait, détressé,<br />

l’humain en charpie, et le néghumain, l’humain nié, producteur d’une atrophisation<br />

de la vie quotidienne. La pensée elle-même, les préoccupations de chacun sont<br />

devenues mondiales, sont devenues de la pensée en trajet, même quand le sujet qui<br />

pense ainsi habite un lieu, un endroit géographique déterminé, et qu’aucunement il<br />

ne quitte. Les grands projets, « pharaoniques », comme le viaduc de Millau,<br />

témoignent certes que l’architecture accompagne cette déterritorialisation – mais,<br />

tant que l’architecture n’entre pas en connection avec un mouvement culturel,<br />

philosophique et politique capable de libérer les possibilités réhumanisantes<br />

germinalement enfermées en elle, elle demeure condamnée à construire ou à édifier<br />

sans pouvoir bâtir. Construire se situe encore du côté de l’homme décosmique,<br />

tandis que bâtir, la véritable affaire de l’architecture, se situera du côté de l’homme<br />

néocosmique, habitant avec le plus de bonheur dont il est capable, la<br />

déterritorialisation.<br />

Robert REDEKER<br />

Philosophe<br />

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