Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
LE STEREOTYPE ET L’EVENEMENTIEL DANS LA DESCRIPTION…<br />
La transformation de l’événementiel en nouveau mode de leur vie<br />
est liée à la domination du duratif, ce dernier entraînant la disparition des<br />
traits qui donnaient au fait sa spécificité événementielle. Le spectaculaire et<br />
le nouveau disparaissent, et en même temps disparaissent les effets qu’ils<br />
produisaient dans le temps qui suivit le surgissement du phénomène :<br />
… ce genre de spectacle n’avait plus l’attrait de la nouveauté pour<br />
nos concitoyens.<br />
Dans les circonstances difficiles que la ville traversait, affirme le narrateur, le<br />
mot même de nouveauté avait perdu son sens.<br />
Il faudrait ajouter encore la modification fondamentale apportée par<br />
l’événementiel : il supprime l’individuel en instaurant le générique, le<br />
commun, comme forme d’expression du stéréotype. Il efface les différences<br />
et uniformise les identités qui permettent alors définir les traits communs à<br />
tous les Oranais. Voici les jugements du narrateur à ce propos :<br />
- la peste fut notre affaire à tous ; le sentiment aussi individuel que<br />
celui de la séparation avec un être devint soudain, celui de tout un peuple ;<br />
- la détresse générale, l’abandon général, même la vérité était<br />
devenue générale.<br />
Il n’y avait plus alors de destins individuels, mais une histoire collective.<br />
La peste avait instauré la justice ou l’injustice absolues, le nivellement selon<br />
l’expression de l’auteur :<br />
Du point de vue supérieur de la peste, tout le monde, depuis le directeur<br />
jusqu’au dernier détenu était condamné et, pour la première fois peut-être, il<br />
régnait dans la prison une justice absolue.<br />
Le retour de la ville à la vie normale, à la pratique des stéréotypes<br />
d’autrefois est annoncé par le narrateur :<br />
…retour de la ville à la vie mesurée et obscure qu’ils menaient avant<br />
l’épidémie.<br />
La réinstallation des anciens stéréotypes se fait sentir à travers la<br />
reprise du mode de vie d’avant la Peste :<br />
La vie commune des deux couvents put reprendre ; on rassembla de<br />
nouveau dans les casernes…, ils reprirent une vie normale de garnison. Ces<br />
petits faits étaient de grands signes.<br />
Ce sont là les grands signes des stéréotypes de la vie ordinaire.<br />
CONCLUSION<br />
La description de la ville Oran se présente comme une révélation<br />
d’un ensemble de stéréotypes des temps ordinaires en alternance avec ceux<br />
du temps de la peste. L’événementiel se substitue aux stéréotypes anciens<br />
pour instaurer les siens. C’est l’aspect duratif qui est le facteur essentiel de la<br />
modification des stéréotypes des temps ordinaires et de leur substitution par<br />
ceux de l’événementiel.<br />
Mais le fait événementiel subit à son tour les effets du duratif qui le<br />
modifient, le transforment au point qu’il perd ses traits pertinents, se banalise<br />
et relève désormais de l’ensemble des faits ordinaire pour une partie des<br />
individus.<br />
L’alternance du stéréotypé et de l’événementiel, apparaît finalement comme<br />
étant une des structures de ce texte littéraire.<br />
179