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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
Pour terminer, il nous semble utile de considérer l’avenir des<br />
dialectes sociaux européens selon leur caractère et leur type en montrant les<br />
directions possibles.<br />
Depuis quelques années, les linguistes semblent parvenir à un<br />
consensus : les dialectes régionaux paraissent être entrés dans une phase de<br />
déstructuration ; la place ainsi libérée est peu à peu occupée par les dialectes<br />
sociaux qui sont plus naturellement en phase avec la situation économique,<br />
sociale et culturelle contemporaine. Cette déstructuration est étroitement liée<br />
à la disparition de certaines professions traditionnelles pratiquées par les<br />
habitants des campagnes qui étaient les principaux usagers des dialectes<br />
régionaux. Néanmoins, ce processus n’est pas achevé et les dialectes<br />
traditionnels sont toujours en usage, quoique leur domaine d’utilisation se<br />
réduise comme une peau de chagrin.<br />
Cependant, il faut admettre que l’augmentation de la pression<br />
sociolectale et du nombre des usagers n’est ni fluide ni homogène. En effet,<br />
beaucoup de sociolectes corporatifs et professionnels se trouvent aujourd’hui<br />
en forte croissance ; au contraire, il en est d’autres qui ont perdu beaucoup de<br />
leur poids linguistique ou qui ont même disparu. En Bulgarie et en Serbie,<br />
par exemple, les sociolectes secrets artisanaux ont pratiquement disparu,<br />
cédant la place aux autres sociolectes professionnels plus actuels. Les argots<br />
criminels, ainsi que certains sociolectes proches par leur caractère (comme<br />
les argots des vendeurs de rue, des prostituées et des proxénètes), qui sont<br />
toujours utilisés, restent à notre avis marginalisés et ne sont parlés que par<br />
une fraction très restreinte de la population. Ces conclusions sont valables<br />
dans une très grande mesure pour les sociolectes français ou anglais, ainsi<br />
que pour les argots d’autres pays européens tels que la Russie, la République<br />
Tchèque et la Pologne.<br />
Il est vraisemblable que les jargons et les argots expressifs<br />
professionnels ainsi que les sociolectes corporatifs des étudiants et des jeunes<br />
gens poursuivront leur progression. Leur existence est en effet directement<br />
liée aux déterminants économiques, culturels et même ethnographiques du<br />
monde moderne ; sans doute y a-t-il là une orientation pour les recherches à<br />
venir en sociolinguistique européenne.<br />
Georgi L. ARMIANOV<br />
Université « Marc Bloch », Strasbourg<br />
georgi.armianov@club-internet.fr<br />
BIBLIOGRAPHIE<br />
ALLEN I. L., « Slang », The Encyclopedia of language and linguistics, Vol.<br />
7, Pergamon Press, 1994.<br />
ANDERSSON L.-G., TRUDGILL P., Bad Language, Penguin books, 1990.<br />
ANDRIĆ D., Dvoesmerni riječnik srpskog jargona i jargonou srodnih retchi<br />
i izraza, (Dictionnaire de l’argot serbe et de mots et d ‘expressions similaires<br />
aux argot en deux partie), Belgrade, 1976.<br />
SGTB — Statisticheski godichnik na Tsarstvo Bulgaria (Annuaire statistique<br />
du Royaume bulgare), Sofia, 1910.<br />
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