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À L’HISTOIRE DES ARGOTS EUROPÉENS<br />
‘boue épaisse’, kikimora ‘femme désagréable, répugnante’, chuchter<br />
‘personne modeste, timide’, chmeda ‘homme barbu, non rasé’, etc.<br />
Pendant l’entre-deux-guerres – durant une période d’une vingtaine<br />
d’années – l’argot des jeunes explose en Bulgarie. Leur trésor lexical se<br />
multiplie, par exemple au début des années trente le « Dictionnaire de<br />
l’argot roublard bulgare » contient 227 mots 1 , en 1945 le vocabulaire<br />
argotique des élèves de seulement deux lycées de Sofia, renferme déjà à peu<br />
près 700 mots et expressions. 2 Cette augmentation vaut plus ou moins pour<br />
tous les argots des jeunes bulgares, voire même ceux des étudiants de<br />
l’université, de l’école polytechnique ou de l’école supérieure des beaux-arts.<br />
De plus, progressivement, au cours de la Première guerre mondiale, pour des<br />
raisons socio-économiques les sociolectes secrets et les langues turque,<br />
tsigane, grecque et albanaise commencent peu à peu à régresser et à perdre<br />
de leur influence linguistique. Leur place, (ainsi que celle des dialectes<br />
régionaux) lentement mais sûrement, est occupée par les autres langues<br />
étrangères – surtout le français et l’anglais, moins par l’allemand, le russe et<br />
l’italien.<br />
Pendant les années qui suivent la Deuxième guerre mondiale, nous<br />
observons une réduction considérable de l’interaction des sociolectes avec les<br />
dialectes régionaux, les argots secrets et les langages des artisans. On peut<br />
affirmer que pendant l’entre-deux-guerres des mots et des expressions venant<br />
de l’argot des lycéens et des étudiants se répandent de la capitale du pays<br />
vers les villes provinciales les plus importantes. « Les sociolectes juvéniles<br />
ont déjà perdu leur caractère fermé, secret qui existait au début de vingtième<br />
siècle et ils fonctionnent comme un interdialecte social qui englobe un large<br />
cercle d’usagers de la langue standard, quand ils se trouvent dans des<br />
conditions sociales spécifiques, dans un milieu linguistique particulier ». 3<br />
On observe aussi que leurs liens avec certains sous-systèmes dans<br />
le cadre de la langue nationale – la langue standard, le langage familier, le<br />
langage populaire – et avec les langues étrangères s’approfondissent et<br />
s’élargissent considérablement. Aujourd’hui, selon nos constatations,<br />
réalisées sur des enquêtes personnelles et des recherches statistiques datant<br />
de la fin des années 1980 et du début des années 1990 du XX e siècle, la<br />
langue standard représente 45 % du lexique argotique, les langues étrangères<br />
– 25 %, les dialectes régionaux – 15 %, les argots criminels – 9 %, et les<br />
jargons professionnels – 6 %. 4 Il est évident que la langue standard et les<br />
dialectes régionaux fournissent toujours du matériel linguistique à l’argot<br />
corporatif, mais en même temps, les langues étrangères donnent<br />
régulièrement des éléments lexicaux ou grammaticaux.<br />
1 VOÏNIKOV P., « Tarikatsko-bulgarski retchnik » (Dictionnaire de l’argot roublard bulgare),<br />
Rodna retch, vol. 4, 1930.<br />
2<br />
STOÏKOV S., « Sofiiskiyat utchenitcheski govor – prinos kâm bâlgarskata sotsialna<br />
dialektologiya », (L’Argot des étudiants de Sofia – contribution à la dialectologie sociale<br />
bulgare), Annuaire de l’université de Sofia, Faculté historico-philologique, tome XLII, Sofia,<br />
1945-1946.<br />
3<br />
MOURDAROV V. , « Izpolzvane na elementi ot jargona v poublitsistitchniya stil »<br />
(L’utilisation des éléments argotiques dans le style publicitaire), Journalisme et la culture de<br />
langage, Editions « Nauka i izkoustvo », Sofia, 1981, p. 56.<br />
4 ARMIANOV G., Op. cit., pp. 39-98.<br />
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