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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
également considérée comme inacceptable cette force totalisante de la Peste<br />
qui ne « respecte » même pas des lieux réputés « honorables ».<br />
- la présence des rats constituait un scandale - caractère<br />
inadmissible, peu ordinaire ne s’inscrivant pas dans le rythme de la vie des<br />
Oranais ;<br />
- les choses allèrent si loin ; ce phénomène dont on ne pouvait<br />
encore ni préciser l’ampleur, ni déceler l’origine – étendue de l’événement,<br />
de l’espace qu’il se réservait.<br />
Par la dernière séquence l’auteur a l’intention de souligner<br />
l’impossibilité de définir les limites temporelles aussi bien que spatiales que<br />
s’appropriait le malheur. Les deux genres de limites restent indéfinissables,<br />
car on ne réserve pas de temps et ni d’espace à l’événementiel, c’est lui qui<br />
les investit. On n’a pas de force sur cette force dont l’origine dans nombre<br />
des cas reste indéterminable. Ce qui est propre à l’événementiel c’est sa<br />
« non – agentivité ». On se heurte à des difficultés dans l’identification de<br />
l’agent, de l’origine de l’événement, car il est présenté comme un fait<br />
dépourvu d’origine, de causalité, dans la plupart de ses manifestations.<br />
LA QUANTIFICATION ET LA STEREOTYPIE DE<br />
L’EVENEMENTIEL<br />
Pour que l’événementiel se produise il fallait que le nombre des faits<br />
invraisemblables augmente et que les qualités et les états qui en résultent<br />
connaissent leur intensification. C’est pour cette raison que l’auteur recourt à<br />
la quantification des objets et des faits, et à l’intensification des qualités.<br />
L’auteur déclenche la prise de conscience par les Oranais de la gravité de ce<br />
qui s’annonçait, s’abattait, intervenait dans leur vie, par l’accumulation des<br />
rats dans la ville. La quantification de l’inattendu s’actualise, en premier lien,<br />
au moyen des noms de nombre :<br />
— un rat mort, trois rats morts, une dizaine de rats, une caisse pleine de rats<br />
morts, une cinquantaine de rats, plusieurs centaines.<br />
Dans la suite du texte l’écrivain abandonne le langage des chiffres<br />
pour celui des noms collectifs :<br />
- tas des rats, mourir en groupe, les rats attendaient en longues files<br />
etc.<br />
Puis A. Camus fait usage des noms, des adjectifs et des verbes à valeur<br />
quantitative :<br />
- la récolte était tous les matins plus abondante ; le nombre allait<br />
croissant ; accroître le désarroi ; venir en grand nombre mourir à l’air<br />
libre ; la ville les retrouvait de plus en plus nombreux pendant la journée.<br />
L’apogée de l’invasion, de l’accumulation des rats est décrite de nouveau au<br />
moyen des noms de nombre, comme outils de l’argumentation, de la<br />
persuasion et de la conviction :<br />
Six mille deux cent trente rats collectés et brûlés, ensuite une<br />
collecte de huit mille rats environ.<br />
La quantification est assurée aussi par la répétition d’actions<br />
identiques :<br />
-Ils sortent, ils sortent.<br />
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