You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
ÉNONCÉS TOPONYMIQUES ET COMMUNICATION URBAINE AU<br />
CAMEROUN<br />
(phonique), et dans ce cas, le nom du lieu est calqué sur une contiguïté<br />
phonologique avec un aspect particulier du lieu. Nous pensons à une<br />
expression comme " Songez au tic-tac " utilisée pour désigner une<br />
horlogerie. Le " tic-tac " qui est par ailleurs l’onomatopée imitant le bruit<br />
d’une montre, désigne non plus seulement cet objet qui est son référent<br />
immédiat, mais dans une relation métonymique, le lieu même où se vend la<br />
montre. Le double rapport sémantique est clairement établi. C’est ce même<br />
rapport que nous pouvons observer dans des énoncés comme " La table du<br />
chef ", " Food is ready " (Le repas est prêt), " Quantité et qualité chez Mme<br />
Coach "…appliqués à des gargotes ou à des restaurants. La " table du chef "<br />
par exemple, n’est plus cet objet matériel indiqué par le sens dénotatif, mais<br />
le contenu de la table même. La même relation sémantique est manifeste dans<br />
les noms de bars tels que " Alimentation je bois ", " Again bar " (encore,<br />
encore), où il y a une certaine simulation physique de la réalité impliquée par<br />
le nom : la répétition sans fin pour le second, et l’acte d’ingurgitation même<br />
pour le premier.<br />
Dans bien d’autres cas, le rapprochement est de type métaphorique,<br />
lorsque le signifiant est choisi par exemple sur une base analogique. Le terme<br />
" Hilton " par exemple, appliqué à un ensemble de résidences de la cité<br />
universitaire de la ville de Dschang, est choisi conformément à la réalité<br />
hôtelière de la chaîne internationale " Hilton " des hôtels de classe<br />
exceptionnelle. L’analogie est toute trouvée lorsqu’on applique le terme à des<br />
résidences universitaires, dans la mesure où celles-ci sont par leur standing<br />
de loin supérieures à celles qui ne le sont pas, et qui sont baptisées " Mvog<br />
ada ", du nom d’un quartier populaire et populeux de Yaoundé reconnu par<br />
son insalubrité. On peut aussi faire allusion aux énoncés comme " Ministère<br />
du soya 1 ", " Cochon bar ", " Oasis bar de Kam", " CRTV dernière bar ",<br />
"La pharmacie bar ", "Thermomètre bar". On se rend donc compte qu’une<br />
réalité extérieure est convoquée pour s’appliquer à un univers second, en<br />
raison d’une certaine ressemblance, ou rapprochement physique, même si le<br />
signifié premier demeure. Le bar " CRTV 2 dernière "qui est situé non loin du<br />
centre de production de la télévision nationale du Cameroun à Yaoundé, est<br />
choisi par conformité au nom donné au dernier journal télévisé de la journée,<br />
la "CRTV dernière". Cela veut tout simplement dire que le locuteur qui<br />
désigne ainsi un autre espace par un signifiant premier opère un transfert ou<br />
même une substitution de sens, de l’univers de la communication à celui de<br />
la consommation.<br />
Mieux qu’une forme d’adressage simple, le toponyme en contexte<br />
urbain est le produit d’une double compétence lexicale et culturelle chez le<br />
locuteur, et se range parmi les formes de communication culturellement<br />
appropriées. La réalité toponymique est ainsi convoquée non plus seulement<br />
pour combler un déficit lexical crée par l’absence du mot juste, mais bien<br />
plus un déficit appellatif ou une inflation dénominative matérialisée dans la<br />
collision des formes linguistiques ou des univers de référence (réels ou<br />
convoqués). C’est déjà ce que l’on peut noter dans les formules<br />
1 Viande à la brochette cuite à la braise assez appréciée au Cameroun<br />
2 Du nom de la télévision nationale, la Cameroon radio and television.<br />
155