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Ville

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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />

Ces avant-coureurs de l’événementiel sont signifiés par le syntagme<br />

les premiers signes de la série des graves événements.<br />

Une fois produit, découvert, identifié par les médecins,<br />

l’événementiel instaure ses stéréotypes, en premier lieu celui de la mort. Il<br />

faut noter que la constitution des nouveaux stéréotypes se fait aussi par la<br />

répétitivité. La forme de l’imparfait sert d’outil principal de désignation du<br />

duratif et du répétitif des stéréotypes de l’événement, par exemple, dans cette<br />

séquence de l’enterrement :<br />

Dans le couloir même, la famille trouvait un cercueil déjà fermé.<br />

On faisait signer des papiers au chef de famille. On chargeait<br />

ensuite le corps. Les parents montaient dans un des taxis encore autorisés,…<br />

les voitures gagnaient le cimetière. A la porte, des gendarmes arrêtaient le<br />

convoi, donnait un coup de tampon sur le laisser – passer officiel, les<br />

voitures allaient se placer près d’un carré où de nombreuses fosses<br />

attendaient d’être comblées.<br />

Un prêtre accueillait le corps,… On sortait la bière, on la cordait,<br />

elle était traînée, elle glissait, butait contre le fond, le prêtre agitait son<br />

goupillon et déjà la première terre rebondissait sur le couvercle… et pendant<br />

que les pelletées de glaise résonnaient de plus en plus sourdement, la famille<br />

s’engouffrait dans le taxi.<br />

L’usage de l’imparfait itératif crée une typicité, sa répétition ayant<br />

des fonctions et des finalités bien définies, celles de l’expression de<br />

l’installation, de la domination et de la force de la Peste se manifestant dans<br />

sa persistance. Ces fonctions sont accentuées par la répétition de l’indéfini<br />

tous suivi d’un nom à valeur temporelle :<br />

Tous les soirs des mères hurlaient ainsi… ;…tous les soirs des<br />

timbres d’ambulance déclenchaient des crises…<br />

Le caractère répétitif de la mort, de la même façon de mourir, d’être<br />

enterré, conditionne le comportement stéréotypé des proches des défunts et<br />

des autorités publiques chargées du cérémonial.<br />

La rapidité des actes constituant le contenu du nouveau stéréotype<br />

de l’enterrement entraîne, à son tour la fréquence du rapport de juxtaposition<br />

qu’on remarque entre les séquences prédicatives des phrases citées. Ce genre<br />

d’agencement des phrases attribue aux faits un caractère linéaire, prospectif<br />

et dans la majorité des cas sans retour en arrière.<br />

LE LANGAGE DE L’EVENEMENTIEL ET SES PROPRIETES<br />

INTERNES.<br />

La chronique de la peste est bâtie sur l’événementiel. Le nom<br />

générique par lequel on la désigne en général, et en particulier dans la<br />

situation créée à Oran, est, évidemment celui de l’événement :<br />

les graves événements, des événements singuliers, des faits invraisemblables,<br />

un accident peu répugnant, des événements surprenants, une curieuse chose,<br />

ce mal curieux, la nouvelle, quelque chose de menaçant, un fléau secouant,<br />

la force des choses etc.<br />

Ces séquences syntagmatiques permettent de dégager la série de<br />

synonymes utilisés par A. Camus pour désigner le phénomène désastreux :<br />

fait, accident, phénomène, une chose et quelque chose de menaçant etc. La<br />

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