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L’ONOMASTIQUE TAGUEE, POUR UNE AUTRE APPROCHE…<br />
Mon intention ici, est de montrer comment cette pratique investit, occupe,<br />
redéfinit l’espace urbain et ses territoires en un espace autre ? Comment<br />
l’écriture modifie-t-elle notre rapport à la ville puisqu’elle n’est jamais fixée<br />
sur un support préétabli (comme pour les plaques des rues, les enseignes de<br />
magasins ou même les affiches, elle n’est jamais là où l’on l’attend, jamais<br />
comme il faut et selon les règles en usage ? Devenant un moyen de<br />
restructurer la ville par un redécoupage de ses lieux en espaces graphiques<br />
intermédiaires de fréquentations, d’occupation ; on assiste alors à une<br />
spatialisation scripturale qui transforme notre regard sur le paysage urbain<br />
qui est alors exploité et investis symboliquement.<br />
1. LE LANGAGE TAGUÉ (annexe 2)<br />
Bouleversant à la fois des conditions de création, de réalisation et de<br />
lecture de l’écrit ; quand on regarde les tags, ce qui frappe d’abord, c’est<br />
l’aspect visuel et graphique. S’inscrivant dans une picturalité particulière, le<br />
tagueur utilise les lettres de notre système alphabétique dans une gestualité<br />
différente pour un autre rapport à la scription. Jouant sur de nombreuses<br />
ambiguïtés formelles, le matériau graphétique de l’écriture est bouleversé par<br />
des réécritures, des altérations. On assiste à une transgression structurelle des<br />
lettres qui restent reconnaissables pour certaines, alors que d’autres sont<br />
transfigurées. Il suffit alors de peu de chose pour qu’à partir d’un contour<br />
identifiable, une ligne évolue en arabesque et devienne ornementale. Elle<br />
acquiert ainsi une valeur expressive qui échappe à lisibilité proprement dite<br />
pour se ranger du côté de la plasticité et du visible.<br />
Dans l’espace du graffiti, le tagueur expose pourtant, un acte de<br />
nomination qui s’inscrit dans une trace graphique et se réitère en permanence<br />
par une gestualité autre. Dans l’espace de la ville où les noms fleurissent à<br />
tous les niveaux (noms de rue, de magasins fictifs ou réels, publicitaires, de<br />
marques), les noms tagués eux aussi, s’incrustent dans l’espace urbain,<br />
l’univers commercial où tout est apparence, pure étiquette. Comme les noms<br />
exposés de la ville, le tag aussi s’expose, se montre « comme un pur<br />
palimpseste de surface » 1 . Surface du nom exposé, comme image d’écriture,<br />
fausse signature qui se renvoie à elle-même le tag se donne en spectacle par<br />
ses exubérances graphiques et par la richesse de ses signes. Ces noms de<br />
fantaisies aux allures baroques, aux sonorités qui claquent « ces<br />
nomothèques » exposent un principe ludique, le plaisir d’écriture.<br />
1 . José Luis DIAZ, “Vous êtes des noms propres, avatar autour du nom d’auteur après 1830 ”, Le<br />
nom et la nomination, Toulouse, Eres, 1990.<br />
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