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L’ONOMASTIQUE TAGUEE, POUR UNE AUTRE APPROCHE…<br />
métalliques des magasins, les portes des bâtiments) est utilisé<br />
indifféremment, mais ses axes principaux sont privilégiés.<br />
3. L’APPROPRIATION GRAPHIQUE DU TERRITOIRE URBAIN<br />
Le tagueur s’approprie des zones urbaines qui représentent pour lui des<br />
« pôles magnétiques » où il se dirige immanquablement. « Lieux<br />
d’attraction » ou nœuds qui jalonnent et dessinent ses parcours quotidiens,<br />
chaque ville possède les lieux d’écritures et d’exposition qui lui sont propres.<br />
Ces espaces créés sont ouverts à la déambulation, mais le tagueur familier de<br />
la ville explore surtout les non-lieux de celle-ci. Ce découpage en îlots et<br />
territoires graphiques modifie notre champ visuel puisqu’il nous oblige à lire<br />
l’écrit, soit de manière amplifiée, soit de manière isolée. Et le tag transforme<br />
le continuum spatial et la logique urbanistique par ses espaces graphiques en<br />
accentuant certaines zones grâce à une grande visibilité de l’écriture ou en<br />
annule d’autres. Il conduit ainsi à une « altération interne des lieux » en<br />
déstructurant les territoires et en surexposant certaines parties de la ville.<br />
Cependant, ses espaces sont artificiels, leurs disparitions n’ont aucune<br />
incidence sur l’organisation spatiale, alors que leurs présences brouillent et<br />
recomposent l’ordre urbain par d’autres territoires. Ces espaces<br />
intermédiaires ont pourtant des limites floues, car ce sont les tags qui<br />
marquent les frontières du territoire graphique et non l’architecture ou un<br />
quelconque élément urbanistique.<br />
Les différents lieux énumérés ont des fonctions particulières qui<br />
participent à une dynamique en liaison avec les divers groupes qui pratiquent<br />
cette écriture. Ces espaces qui possèdent une grande fonctionnalité sont<br />
complémentaires, imbriqués les uns aux autres, ils ordonnent ainsi une<br />
certaine continuité dans l’espace public, même si les territoires graphiques<br />
sont dispersés dans la ville. Ils changent en fonction des nécessités des<br />
groupes, ainsi obtient-on un réseau d’écritures où se tissent des relations<br />
selon la fréquentation ou non des lieux.<br />
Et les territoires graphiques « territoires flottants » 1 dérivent au gré des<br />
migrations des tagueurs qui les déplacent, modifiant les configurations<br />
visuelles de la ville. Cependant, le côté éphémère des territoires n’affecte pas<br />
la production taguée, c’est une condition liée à son renouvellement. Il en est<br />
de même pour les lieux d’écritures et d’exposition qui, étant soumis aux<br />
disparitions et remplacements successifs, régénèrent en permanence ces<br />
territoires. Néanmoins, une délimitation spatiale précise de ceux-ci est assez<br />
difficile à contenir puisque les tags franchissent, déplacent les frontières en<br />
abolissant les repères spatiaux traditionnels. Colonisant toutes sortes de<br />
supports (c’est leur force et leur faiblesse), ils sont toujours en circulation, ne<br />
se cantonnant pas aux seules frontières d’une ville. Ils s’étendent partout et<br />
possèdent un statut international. Aucune écriture n’avait jusqu’à présent<br />
débordée de ses limites territoriales avec une telle ampleur pour envahir<br />
différentes aires géographiques. Par ces changements constants de lieux, il<br />
convient de considérer les tags comme des inscriptions possédant « une<br />
1 . Michel MAFFESOLI, Du nomadisme, Paris, Librairie Générale Française,1997.<br />
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