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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
d’ailleurs cette notion qu’utilise un ordinateur quand on lui demande<br />
d’afficher le nombre de mots contenus dans un texte. Pourtant, les difficultés<br />
ne manquent pas de surgir rapidement. Considérons une légère variante de<br />
cet exemple :<br />
(2) J’ai compté les mots<br />
L’ordinateur donne aussi comme réponse 4 mots, à savoir {j’ai<br />
+ compté + les + mots }. Or, nous aimerions isoler le pronom dans l’exemple<br />
(2), et dire que l’apostrophe équivaut à un blanc. Soit. Nous obtenons alors 5<br />
mots. Nous souhaiterions dire aussi que ai compté et compte des deux<br />
énoncés précédents sont des variantes d’un même mot, le verbe compter, et<br />
que finalement dans (2), il n’y a que 4 mots. Nous pouvons donc décider<br />
pour compter les mots de lexématiser les éléments, c’est-à-dire de prendre la<br />
forme de base que l’on trouve dans le dictionnaire (c’est-à-dire la forme non<br />
fléchie). Après cette décision, nous compterons 4 mots {je + compter + le<br />
(article défini) + mot} dans l’exemple (2). Nous ne sommes cependant pas au<br />
bout de nos peines. Examinons l’énoncé :<br />
(3) Je compte des pommes de terre<br />
et appelons l’ordinateur à notre rescousse. Il renverra à notre<br />
demande le nombre 6, ce qui nous étonne un peu parce que nous sentons que<br />
pommes de terre ne forme pas trois mots, mais un seul. Si l’orthographe<br />
utilisait des traits d’union (pomme de terre), il n’y aurait aucune surprise,<br />
l’ordinateur rencontrerait bien notre intuition. Mais, il n’y a pas de traits<br />
d’union, et de toute façon, nous ne pouvons pas nous fier à l’orthographe,<br />
dont on connaît trop l’arbitraire. Pourquoi, par exemple, un trait d’union dans<br />
au-delà, mais pas en deçà ? Il devient nécessaire, si l’on veut satisfaire notre<br />
intuition linguistique et éviter l’arbitraire orthographique, de faire appel à des<br />
critères plus fins que la notion de blanc, tels la référence (l’unité renvoie à<br />
une entité dans le monde), l’inséparabilité des éléments (on ne peut dire *<br />
une pomme grande de terre) et le fait que le sens de l’expression n’est pas<br />
l’addition du sens de chacun de ses composants (une pomme de terre n’est<br />
pas une pomme comme celle que Eve présenta à Adam qui serait de terre).<br />
En se basant sur de tels critères, nous obtenons un décompte légèrement<br />
différent : là où l’ordinateur comptait 6 mots, je n’en ai plus que 4 {je<br />
+ compter + art-indéfini des + pommes de terre}. On voit bien que la notion<br />
de mot linguistique ne recouvre pas la notion de mot graphique, et que cette<br />
notion, que nous utilisons quotidiennement, n’est pas un donné, mais déjà<br />
une importante mise en forme du réel. Nous isolons des unités dans le<br />
discours sur la base de leur apport au niveau de la référence, de leur apport<br />
sémantique et de leur comportement morpho-syntaxique.<br />
LA NOTION DE LEXEME<br />
Chacun sait qu’un mot peut avoir plusieurs significations. Ainsi, le<br />
mot pousser n’a pas la même signification dans les exemples suivants,<br />
comme le montrent les différentes paraphrases que l’on peut produire :<br />
(4) La plante pousse (= croît)<br />
Pierre pousse la voiture (= déplace la voiture)<br />
et il en est de même pour le mot voler ci-dessous :<br />
(5) L’oiseau vole (= se déplace dans les airs)<br />
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