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Ville

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ECOLE DE BUJUMBURA, ECOLE DE LA FUITE VERS UN « AILLEURS »<br />

aident surtout pour les pays pauvres, reproduire leurs copies à travers le<br />

monde et non pour laisser les cultures locales se développer et enrichir, par<br />

là, l’humanité toute entière. L’on voit, par exemple, aujourd’hui, une pensée<br />

unique qui tend à s’imposer, par la force des choses, financières et<br />

médiatiques.<br />

Ce qui donne, du deuxième millénaire, un bilan fort amer, de ce<br />

point de vue-là. Celui-ci ne s’est vraiment pas terminé, dans un climat<br />

d’interculturalité à base de dialogue et de participation des cultures. Or, qui<br />

dit culture, dit humanité. Qui détruit la culture d’un peuple, détruit, par<br />

conséquent, l’humanité de ce dernier. Il ne faut donc pas s’étonner de voir,<br />

par exemple, la corruption atteindre son paroxysme en Afrique,<br />

axiologiquement évidée.<br />

Il ne faut même pas se surprendre d’y voir tant de massacres.<br />

Un écrivain nigérian a dit vrai à propos du Continent, un peu avant les<br />

indépendances. Il se nomme Chinua Achebbe. Il a écrit, à propos de la<br />

déculturation de l’Afrique, un roman emblématique, avec un titre rendu en<br />

français par cette expression : «Le monde s’effondre». Eh ! bien oui ! Le<br />

monde africain s’est effondré. La colonne vertébrale des valeurs s’est<br />

effondrée, à cause de l’acculturation par substitution, qui a engendré une<br />

déculturation. Or toute déculturation, c’est-à-dire toute perte de références et<br />

de repères, est criminogène.<br />

A titre d’exemple, cette déculturation a le mieux réussi au<br />

Rwanda et au Burundi : deux pays fort unifiés, qu’il a vite été aisé de<br />

traverser de part en part, avec toutes les conséquences de table rase, du point<br />

de vue culturel. A ce sujet, nous nous gargarisons à qui mieux mieux, par<br />

exemple, à lire nos réalités, même aujourd’hui, avec les yeux hérités de<br />

l’épistémologie coloniale. Dans les écoles, les élèves et les étudiants gobent<br />

parfois cette épistémologie coloniale avec une naïveté effarante Ils n’ont<br />

plus de lunettes endogènes, pour lire leurs propres réalités culturelles,<br />

historiques et politiques.<br />

Or, c’est précisément parce que cette déculturation et cette<br />

épistémologie d’emprunt ont le mieux réussi au Rwanda et au Burundi,<br />

que nous sommes capables de massacrer le plus de monde possible, en si peu<br />

de temps, sans remords, sans le moindre état d’âme, en chantant «Alléluia».<br />

Le monde s’est effondré chez nous plus qu’ailleurs, sous le poids<br />

d’une « mission civilisatrice » et d’un «fardeau de l’Homme Blanc» à<br />

couleur, cette fois-ci, locale 2 . Psychologie du colonisé oblige. Voyons cela<br />

surtout de plus près.<br />

1 Voir deux recherches antérieures, réalisées par l’auteur de ces lignes à ce sujet. Cf. A.<br />

NTABONA, « Quelques réflexions sur l’acculturation par substitution, et ses conséquences, hier<br />

et aujourd’hui, au Burundi », in ACA, 1982/6, pp. 341-351. « Ecole secondaire, école<br />

d’aliénation », in Que Vous en Semble, Revue du Grand Séminaire de Bujumbura, 1969/4, pp.<br />

44-66.<br />

2 Les expressions «mission civilisatrice» et «fardeau de l’Homme Blanc» (White man’s Budden)<br />

ont servi de slogan pour légitimer la colonisation. Cf. Otto Klineberg, Razza e pregiudizio,<br />

Editions de l’Università Internazionale degli Studi Sociali, Rome, 1965, p. 3.<br />

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