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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
pulsion migratoire » importante, une écriture nomade qui se développe dans<br />
« des territoires circulatoires. » 1<br />
Toutefois, si l’idée de « marquer » le territoire de sa trace semble être le<br />
désir de chaque tagueur ; le fait de le placer à côté d’un tag existant, finit par<br />
engendrer des lieux et des espaces d’appropriation. Et ils donnent lieu à la<br />
mise en œuvre de parcours urbains totalement éphémères mais qui crée des<br />
réseaux ou « chaînes de relations » par les échanges qu’ils élaborent entre les<br />
différents espaces que le tagueur construit artificiellement. Les cheminements<br />
scripturaux qui redessinent l’espace deviennent des repères et pas<br />
uniquement des signes dans la mesure où le tagueur sélectionne, s’approprie<br />
et redéfinit la ville pour ses propres besoins.<br />
4. VOYAGE DANS LE PAYSAGE URBAIN<br />
4.1. Une nouvelle spatialité : un labyrinthe d’écritures<br />
Plus attentive à regarder les moindres inscriptions qu’à suivre un<br />
itinéraire particulier pour aller d’un lieu à un autre, le travail de terrain de<br />
recueil des données m’a permis de circuler dans la ville autrement. On se<br />
retrouve dans une situation de déambulation où une pratique de lecture<br />
propre à ce type d’écriture se met en place. Car suivre les tags, c’est observer<br />
la vision d’un scripteur marcheur qui diffère de celle des urbanistes, des<br />
architectes ou des géographes. Ce marcheur quotidien qu’est le tagueur en<br />
déplaçant ou en inventant d’autres espaces par sa marche et ses dérives<br />
urbaines, crée ainsi du discontinu par décalage.<br />
« Le marcheur transforme en autre chose chaque signifiant spatial, et si d’un côté il ne rend<br />
effective que quelques-unes des possibilités fixées par l’ordre bâti (il va seulement ici, mais<br />
pas là), de l’autre il accroît le nombre des possibles (par exemple, en créant des raccourcis<br />
ou des détours) et celui des interdits (par exemple, il s’interdit des chemins tenus pour licites<br />
ou obligatoires). Il sélectionne en choisissant des fragments de l’espace urbain. » 2<br />
Les tags s’organisent alors autour d’espaces de communication (interne pour<br />
les tagueurs), d’appropriations, de circulation et de déambulation ; alors que<br />
les espaces urbains sont généralement exploités : — en zones commerciales<br />
(pour les commerces), — en espaces publicitaires (emplacements<br />
publicitaires de toutes sortes), — en espaces signalétiques (tous les<br />
indicateurs de signalisation).<br />
1 . Cette notion de “ territoires circulatoires ” issue de l’anthropologie du mouvement, est utilisé<br />
par Alain TARRIUS dans Anthropologie du mouvement pour définir une certaine socialisation<br />
des espaces. “ Les individus se recon-naissent à l’intérieur du territoire qu’ils délimitent aux<br />
cours d’une histoire commune de migration, initiatrice d’un lien social original. Introduisant une<br />
double rupture dans les acceptions communes du territoire et de la circulation; en premier lieu<br />
elle suggère que l’ordre né des sédentarités n’est pas essentiel à la manifestation du territoire,<br />
ensuite elle exige une rupture avec les conceptions logistiques des circulations, des flux, pour<br />
investir le sens social de déplacement” “ La notion de territoires circulatoires est le résultat de<br />
productions de mémoires collectives et de pratiques d’échanges sans cesse plus amples où<br />
valeurs éthiques et économiques spécifiques créent une culture”. “ La circulation migratoire ”, in<br />
Migrations Etudes n°84 (synthèse des travaux sur l’immigration et la présence étrangère en<br />
France), Paris, ADRI, Décembre, 1998, p. 3.<br />
2 . Michel MAFFESOLI., Op. Cit., p.149.<br />
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