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À L’HISTOIRE DES ARGOTS EUROPÉENS<br />

relativement développé de dialectes sociaux, y compris le sociolecte des<br />

étudiants apparut. Cela est devenu possible après l’instauration des nouvelles<br />

relations économiques dans l’Empire ottoman, comme un résultat de<br />

l’apparition de nouvelles classes et groupes sociaux et, surtout, avec<br />

l’établissement d’une éducation laïque et générale.<br />

Sur le plan économique, la Bulgarie retrouve la liberté en 1878<br />

alors que c’est un pays typiquement rural – plus de 80 % de la population vit<br />

dans les villages. 1 La Serbie, bien qu’elle existe comme principauté<br />

autonome depuis 1828, se trouve dans une situation quasiment identique.<br />

En ce temps-là, à partir des dialectes régionaux, des langages<br />

secrets des criminels et des professionnels, les premiers sociolectes des<br />

étudiants commencent à se développer. Ils se répandent essentiellement dans<br />

le milieu urbain – en Bulgarie, en premier lieu, dans la capitale Sofia et dans<br />

la deuxième ville du pays Plovdiv, mais aussi dans les grands centres<br />

industriels et culturels comme la ville portuaire de Varna, l’ancienne capitale<br />

Veliko Târnovo ou la ville la plus européenne de Rousse sur le Danube. En<br />

Serbie, et puis en Yougoslavie, ce sont la capitale Belgrade et les villes<br />

comme Niš et Novi Sad, et également la ville de Ljubljana en Slovénie et de<br />

Zagreb en Croatie. Au début, c’étaient les grands lycées masculins de Sofia<br />

et de Belgrade qui fournissaient le milieu social et émotionnel pour la<br />

création de l’argot scolaire. Les locuteurs puisent massivement dans les<br />

langues turque et tsigane mais aussi dans les langages secrets des criminels et<br />

des artisans. Les argots corporatifs bulgare et serbe commencent à se<br />

détacher de leurs racines dialectales et à élaborer leurs aspects linguistiques<br />

propres. Cela montre les rapports des dialectes sociaux contemporains en<br />

Bulgarie et en Serbie avec le milieu urbain industriel, considéré comme une<br />

opposition au milieu traditionnel paysan, rural qui est le berceau et la<br />

forteresse des dialectes régionaux.<br />

D’autre part, c’est une affirmation de l’idée que les centres<br />

industriels urbains sont les endroits où la stratification sociale a un spectre<br />

très large et riche et où la présence de cette stratification est la plus forte.<br />

Dans ces endroits, nous observons une structuration très riche des classes<br />

sociales – nous découvrons 2 ou 3 niveaux de bourgeoisie, une intelligentsia,<br />

une classe prolétaire et des paysans engagés dans un processus de<br />

prolétarisation, des domestiques, des chômeurs, mais aussi un plus grand<br />

nombre de hors la loi par rapport au milieu rural. Il est indéniable que cette<br />

organisation sociale riche se reflète dans la langue, car : «… chaque<br />

modification de la structure sociale est exprimée par un changement dans les<br />

conditions dans lesquelles la langue se développe et, en général, les<br />

changements dans la structure sociale sont transmis aux changements de la<br />

structure linguistique » 2 .<br />

D’après St. Iltchev, linguiste bulgare, dans la deuxième décennie<br />

de XX e siècle il existait dans le quartier « Yutchbunar » de Sofia, peuplé<br />

exclusivement de réfugiés venus de la Macédoine et de Thrace occidentale<br />

après les guerres balkaniques, une « société » de roublards, charlatans,<br />

1 SGTB — Statisticheski godichnik na Tsarstvo Bulgaria (Annuaire statistique du Royaume<br />

bulgare), Sofia, 1910, p. 21.<br />

2 MEILLET A., Linguistique générale, Paris, 1921, p. 17.<br />

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