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Ville

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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />

l’écriture conventionnelle, passant à travers celle-ci par transgression, par<br />

altération pour une autre expérience graphique. C’est pour cette raison que<br />

j’ai considéré le tag comme une pratique scripturale altérée. Une écriture de<br />

la différence dans laquelle, on peut lire le particulier, le singulier, le familier<br />

qui s’installe dans l’écart, mais dans un espace de création graphique où le<br />

nom sans cesse change et se répète, où aucun état n’est figé, fixé dans une<br />

forme, une graphie, une orthographe, où tout est instable.<br />

Mais qu’est qu’un tag ? : C’est la première forme de l’expression graphique<br />

de la culture Hip Hop qui appartient aux Arts de la rue 1 . Graffiti 2 d’un genre<br />

nouveau qui s’inscrit autour de l’écriture du nom, il prend naissance à New<br />

York comme forme artistique dans les années 70 3 et arrive en France dans les<br />

années 80 (Annexe 1). Habituellement, définit comme la signature répétitive<br />

d’un pseudonyme, Alain Vulbeau (sociologue) nous le décrit comme suit :<br />

« Le terme anglo-saxon "tag" désigne les étiquettes de valises sur lesquelles on écrit son<br />

nom. Mais dans ses variations argotiques, cela désigne aussi le fait de toucher ceux avec qui<br />

on joue à chat ou encore le moment où l’on élimine un joueur en le touchant, au base-ball.<br />

C’est sans doute cette double idée de répétition du nom et de collision ritualisée dans un jeu<br />

qui a conduit les journalistes américains à dénommer ainsi les premiers graffitis apparus de<br />

façon massive au début des années 70 sur les murs de New York ». 4<br />

« Le tag est une variété particulière de graffiti qui se distingue des autres inscriptions<br />

sauvages (pochoirs, graphismes, slogans politiques) par trois caractéristiques : — Il s’agit<br />

d’un pseudonyme à connotation héroïque, — C’est une signature exécutée rapidement sans<br />

souci apparent de lisibilité. — C’est une écriture qui existe par la répétition et la visibilité<br />

sur des supports fixes et visibles ». 5<br />

Le plus souvent traité dans une composante sociologique, l’étude de la<br />

pratique scripturale pour elle-même n’est jamais envisagée. Cette définition<br />

qui met l’accent sur les caractéristiques du tag n’insiste pas assez sur sa<br />

spécificité : c’est une inscription graphique qui varie en se répétant d’où une<br />

redéfinition de ma part dans une perspective sémiolinguistique. Le tag est<br />

une inscription graphique anonyme (et spontanée) d’un individu ou d’un<br />

groupe apposée rapidement et graffitée sous la forme d’une signature qui est<br />

répétée en de multiples exemplaires sur toutes sortes de supports (muraux ou<br />

non) par altération.<br />

1 . Ils se déclinent selon trois axes : musical avec le rap, chorégraphique (avec la danse) et<br />

graphique avec le tag et le graff.<br />

2 . Le tag appartient à la famille des graffitis dont il renouvelle les caractéristiques et les fonctions.<br />

Il s’inscrit plus dans un contexte culturel et artistique que dans une optique de revendication<br />

politique ou sociale comme le sont généralement les graffitis. “ Les graffitis du métro de New<br />

York suivirent au début la tradition de l’écriture du nom. L’addition d’un numéro de rue après le<br />

nom du graffitiste était la seule différence qui existait par rapport à la façon que l’on avait<br />

d’écrire son nom sur les murs depuis des siècles (...) Il semble que le seul but de ces premiers<br />

graffi-tistes était de se faire connaître de leurs amis sous leur nom "d’écrivain", qui était<br />

généralement un agnonème ou un nom d’adoption. Ces noms qui furent gribouillés rapidement<br />

sur n’importe quel support, devinrent connus sous le nom de tag ”. Froukje HOEKSTRA,<br />

Coming from the subway New York graffiti-art, Paris, Ubi, 1992, p.9.<br />

3 . 1969-1980 correspond aux dates de développement du phénomène, 1970-1975 à une phase<br />

d’intense activité graphique, de stylisation de l’écriture et d’extension dans les autres villes des<br />

Etats Unis.<br />

4 . Alain VULBEAU, “ Les tags : des cris muets sur les murs ”, Société Magazine, janvier, 1991.<br />

5 . Alain VULBEAU, Du tag au tag, Paris, Desclée de Brouwer, p. 63.<br />

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