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L’ÉLOGE DE LA VILLE : RHÉTORIQUE D’UNE PLAQUETTE TOURISTIQUE…<br />
Ces valeurs antithétiques 1 sont en outre amplifiées selon une énonciation<br />
"par-delà" qui les projette au sommet de leur échelle thématique. Cette amplification<br />
s’effectue à l’aide des procédés classiques du discours épidictique de l’éloge 2 :<br />
généralisations ("Un restaurant qui s’étend des faubourgs à la gare", pl. 2),<br />
superlatifs ("Berne est un des témoins les plus prestigieux de l’urbanisme médiéval<br />
en Europe", pl. 1), hyperboles ("Un parc sans fin", pl. 3)…<br />
La ville de Berne apparaît ainsi comme un espace de totalisation,<br />
fortement positivé et riche en polarités axiologiques. Celles-ci ne s’y côtoient pas<br />
seulement, mais elles y fusionnent en des échanges incessants. Berne se transforme<br />
alors en un espace de médiation assurant un syncrétisme entre des valeurs<br />
antithétiques, ce que laissent entendre plusieurs titres de la plaquette :<br />
Un patrimoine ancestral resté jeune. [pl. 1]<br />
[Conciliation de la tradition et du modernisme]<br />
Les oignons poussent sur les pavés. [pl. 2]<br />
[Médiation de la nature et de la culture]<br />
Citoyens du monde au détour de petites ruelles. [pl. 4]<br />
[Union de l’universalité et de la singularité]<br />
Ces titres font de Berne une synthèse de lieux rhétoriques ou un microcosme où<br />
interagissent les valeurs les plus diverses. Le leitmotiv de la rencontre, omniprésent<br />
dans la plaquette et notamment sur sa couverture ("Berne – ville de rencontres"),<br />
symbolise ce dynamisme fusionnel conféré à la ville.<br />
b) Esthétiser<br />
Conjointement à la valorisation, la positivation élogieuse de la ville de<br />
Berne mobilise un autre acte énonciatif : esthétiser. Moteur du genre épidictique<br />
selon Sullivan (1993), l’esthétisation présentée par la plaquette touristique est<br />
double.<br />
Elle concerne le référent urbain lui-même, dénoté à travers différentes<br />
propriétés appréciatives. Celles-ci sont formulées par des adjectifs descriptifs ("des<br />
façades fleuries", pl. 1) ou par des adjectifs évaluatifs orientés à la hausse et assertés<br />
comme allant de soi, bien que leur norme de référence soit relative à l’instance<br />
énonciative de la plaquette : "La charmante ville de Berne" [pl. 1]. Ces adjectifs<br />
évaluatifs sont parfois attribués au point de vue du visiteur, dans une focalisation<br />
enchâssée : "Depuis le jardin de roses, situé au-dessus de la boucle de l’Aar, vous<br />
aurez la plus belle vue sur la ville de Berne" [pl. 1]. À cela s’ajoutent des verbes<br />
subjectifs qui permettent une appréciation en acte sur la beauté du cadre urbain : "De<br />
nombreux galeristes embellissent les ruelles du centre" [pl. 5].<br />
L’esthétisme de la ville déteint sur le discours de la plaquette, magnifié à<br />
la hauteur du référent promu. Sans parler de l’aspect luxueux du support médiatique<br />
utilisé (papier glacé haut de gamme), les rédacteurs adoptent un style relevé, émaillé<br />
de figures visant à sublimer l’écriture. Parmi celles-ci, mentionnons le recours aux<br />
1 Pour un aperçu plus détaillé sur elles, se reporter à Guerrini et Majcherczak (1999) [valeurs<br />
singulières/universelles], Molinié (1992) [valeurs temporelles] et Levi-Strauss (1974) [valeurs<br />
culturelles/naturelles].<br />
2 La corrélation entre amplification et éloge a été relevée par un certain nombre de commentateurs :<br />
Aristote (1991), Dominicy et Franken (2001)…<br />
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