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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
syntaxiques et fait sortir son héros de tous les espaces imaginaires. Dans les<br />
exemples qui précèdent un de ces moyens est l’elliptisation croissante des<br />
phrases (6, 7). Le rythme de la fuite du héros de l’espace universel des morts,<br />
dont il a horreur, se crée par la structure de ces phrases et par la répétition de<br />
cette structure.<br />
L’analyse a démontré un certain paradoxe dans la formation du<br />
chronotope du héros principal du roman : étant en harmonie avec l’espace<br />
actuel, Bloom s’y trouve partout, par contre il évite l’espace symbolique et<br />
mythologique. Cette fuite est présentée au niveau du texte à l’aide des<br />
moyens syntaxiques tels que différentes espèces de cadres, des ellipses, des<br />
alternances de la narration pure et du flot de la conscience qui se perçoivent à<br />
peine. On peut en déduire que le chronotope objectif de Bloom se caractérise<br />
par des composants mélioratifs. Tout point de l’espace actuel de Dublin est<br />
attirant à tout moment pour le héros. Le chronotope subjectif de Bloom est<br />
bipolaire : le "paysage" concret des souvenirs du héros se caractérise par<br />
l’emploi des termes laudatifs alors que l’espace universel marqué<br />
intertextuellement se signale par l’emploi des termes péjoratifs contenant le<br />
sème dominant de la "mort".<br />
Dans le texte du chapitre "Les pierres errantes"la poétique est un<br />
peu différente. Comme le chapitre précédent, celui-ci représente un large<br />
hypertexte. Pourtant l’hypertexte du présent chapitre se différencie du<br />
précédent. Si dans le chapitre "Scylla et Charybde" c’est l’intertextualité qui<br />
remplit la fonction de liaison à plusieurs couches, ici, ce sont les personnages<br />
et leurs actions (les déplacements à Dublin) qui remplissent cette fonction.<br />
Passons maintenant à l’étude du caractère de cette liaison.<br />
Le chapitre commence par l’épisode retraçant les déplacements du<br />
révérend Conmee à travers Dublin, depuis les marches de la paroisse<br />
principale de Dublin jusqu’au seuil du collège des jésuites, dont le révérend<br />
Conmee était recteur. Sur son trajet il croisa quatorze personnes. Conmee<br />
causait avec les uns, bénissait ou observait les autres. Dans les épisodes<br />
suivants les personnes réncontrées par le père Conmee agissent, parlent,<br />
marchent et regardent à leur tour les gens qu’elles croisent. Dans une<br />
nouvelle série d’épisodes ce sont déjà ces nouveaux personnages (Stephen<br />
Dedalus et Leopold Bloom) qui se déplacent, parlent, réfléchissent. Tous ces<br />
personnages, sauf le révérend Conmee, se réunissent lors de la scène où ils<br />
contemplent le cortège qui suit l’équipage du conte et de la contesse Dedalus<br />
depuis la résidence royale jusqu’à la leur. Les deux épisodes à forme de<br />
cadre remplissent dans le chapitre la fonction de catégorie du temps littéraire<br />
(Here and New) : dans chacun d’eux on mentionne le lieu où se trouve le<br />
père Conmee, et l’endroit de Dublin que traverse le cortège, au moment où<br />
l’on parle.<br />
Comparez :<br />
Father Conmee walked through Clongowes fields, his thinsocked ankles by<br />
stubble (Katey and Boody Dedalus) ;<br />
The viceregal cavalcade passed, greeted by obsequious policemen, out of<br />
Parkgate (Dilly and Simon Dedalus).<br />
Les épisodes centraux possèdent, eux aussi, la même fonction de<br />
déterminaison du moment. Par exemple, dans l’épisode où le père et la fille<br />
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