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Ville

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L’ONOMASTIQUE TAGUEE, POUR UNE AUTRE APPROCHE…<br />

différents supports donne l’illusion que celui-ci marche dans la ville en<br />

franchissant les espaces qu’il accapare et en s’adaptant en permanence à de<br />

nouveaux lieux sans tenir compte des frontières. Et l’écriture ne prend alors<br />

de « sens » qu’à l’intérieur d’un fonctionnement de chaînes de<br />

correspondances où l’individuel s’élabore dans le collectif et par ses<br />

inscriptions, le tagueur reconstruit ainsi « un corps social ».<br />

« Ainsi, l’errant peut être solitaire, il n’est pas isolé, et ce parce qu’il participe réellement,<br />

imaginairement ou virtuellement, d’une communauté vaste et informelle, qui, tout en n’étant<br />

pas inscrite dans la durée, n’est pas moins solide, en ce qu’elle dépasse les individus<br />

particuliers et rejoint l’essence d’un être-ensemble fondé sur les mythes, les archétypes, et<br />

renaissant dans les petites communautés ponctuelles où s’exprime, avec d’autant plus<br />

d’intensité qu’elles se sentent passagères, la circulation des affects et des émotions dont on<br />

ne dira jamais assez le rôle qu’ils jouent dans la structuration sociale ». 1<br />

5. CONCLUSION<br />

Le tag nous apprend à regarder autrement la ville qui se lit selon de<br />

nouvelles compositions. Les espaces intermédiaires que sont les territoires<br />

graphiques (lieux d’écritures et d’exposition) en se superposant, s’insinuant<br />

dans les interstices urbains transforment les rapports entre les différentes<br />

composantes du paysage. Ils permettent d’assurer le développement du tag et<br />

son renouvellement pour des temps plus ou moins longs, même si sa durée de<br />

vie est précaire. Le fait d’accentuer la visibilité de certains lieux au détriment<br />

de d’autres, provoque une désorientation qui participe à l’émergence d’un<br />

autre rapport visuel. La ville est ainsi appréhendée par une successivité<br />

d’espaces éclatés, d’importance inégale qui ajoutent du brouillage à son<br />

organisation spatiale. La multiplication des territoires graphiques oblige à<br />

sauter d’un lieu à un autre, du réseau de circulation au réseau d’écritures en<br />

alternance. Les inscriptions façonnent la ville en fonction de concentration ou<br />

non de tags, leur présence ou leur absence. Et suivre les tags, c’est considéré<br />

les « procès du cheminement », les errances scripturaires qui transforment la<br />

ville en un univers de noms à déchiffrer, présenté dans leur opacité, leur<br />

illisibilité et pourtant dans une très grande visibilité. Le tagueur distribue ses<br />

énoncés dans des parcours particuliers où le « récepteur » saute d’un nom à<br />

un nom, où seules les formes graphiques changent au fil de son itinéraire.<br />

Attestant une parfaite connaissance du territoire urbain qu’ils exploitent<br />

et « inséparables d’un contexte de mobilité urbaine », les tagueurs<br />

engendrent des réseaux éphémères qui viennent se superposer aux réseaux de<br />

circulation existants en les saturant. Et lire les tags, c’est déambuler dans le<br />

dédale d’un univers onomastique particulier, d’un lieu à l’autre, d’un signe à<br />

un autre, pour pratiquer l’espace urbain de manière insolite, en dehors des<br />

circuits habituels, dans une sorte de « nomadisme scriptural » qui ouvre sur<br />

« une topologie scripturale » mouvante faite de chemins virtuels qui nous<br />

contraignent à une attitude nomade. Inscription imprévisible, sans support<br />

déterminé et réservé d’avance, pouvant être partout, elle fait varier aussi bien<br />

son support que ses graphies, ce qui la rendant insaisissable.<br />

1 . Michel MAFFESOLI, Ibid., p. 67.<br />

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