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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
fraudeurs et autres gens sans profession ou logement, qui parlaient un<br />
langage étrange et incompréhensible. Selon lui, en ce temps-là, les étudiants<br />
du I er Lycée Masculin de Sofia utilisaient déjà de 50-60 à 100 mots et<br />
expressions de même genre, empruntés à cet argot « yutchbounarien ». 1 Le<br />
dialectologue St. Stoïkov appuie cette idée lorsqu’il parle aussi des débuts<br />
des sociolectes scolaires bulgares, à la fin du XIX e siècle. 2<br />
Un petit groupe de linguistes, notamment P. Voïnikov,<br />
D. Hadjidenev et K. Popov, ne situent leur origine que dans les années<br />
d’effondrement économique et financier, qui suivent les deux guerres<br />
balkaniques et la Première guerre mondiale. Dans la préface de son<br />
« Dictionnaire de l’argot roublard », Voïnikov le définit comme « une<br />
acquisition très regrettable de nos guerres des années 1912-1913 et 1915-<br />
1918. » 3 Il est certain que les difficultés économiques et sociales ont donné<br />
une force supplémentaire au processus de diffusion des dialectes sociaux,<br />
plus précisément de l’argot des étudiants, mais tous les faits historiques<br />
attestent d’origines plus anciennes, notamment dans la seconde moitié du<br />
XIX e siècle. Il y a plus de cinquante ans, Stoiko Stoïkov a souligné que<br />
pendant les premières décennies du XX e siècle, il n’existait qu’un seul argot<br />
des jeunes : « […] seuls les lycéens de Sofia ont réussi à créer leur propre<br />
langage, tandis que leurs confrères de la province ne l’ont pas fait. Il est vrai<br />
que dans le discours de ces gens on peut rencontrer aussi certains mots<br />
« roublards », importés de Sofia par les élèves transférés ou apparus dans la<br />
région,… » 4 Quelques informateurs avec lesquels nous avons travaillé brossent<br />
un tableau similaire – ils déclarent l’argot scolaire inexistant dans ces villes<br />
pendant les années qui précèdent la Première guerre mondiale mais, en même<br />
temps, ils affirment que certains mots et expressions existaient pendant les<br />
années vingt et trente du siècle dernier. 5 De ces premières années de l’argot<br />
scolaire bulgare, et surtout de l’argot de Sofia, nous avons conservé quelques<br />
mots qui sont utilisés encore aujourd’hui, comme : moruk ‘père’, mangizi<br />
‘monnaie’, livada ‘imbécile, crétin’, gadje ‘fille’, mais aussi d’autres qui sont<br />
vraiment rares dans le discours argotique contemporain, comme : marmalad<br />
1 ARMIANOV G., Bulgarskiyat jargon – leksiko-semantitchen i leksikografski aspekt, (L’argot<br />
bulgare – l’aspect lexico-sémantique et lexicographique), Editions « St. Kliment Ohridski » de<br />
l’Université de Sofia, 1995, p. 36.<br />
2<br />
STOÏKOV S., « Sofiiskiyat utchenitcheski govor – prinos kâm bâlgarskata sotsialna<br />
dialektologiya », (L’Argot des étudiants de Sofia – contribution à la dialectologie sociale<br />
bulgare), Annuaire de l’Université de Sofia, Faculté historico-philologique, Tome XLII, Sofia,<br />
1945-1946, p. 49.<br />
3<br />
Il s’agit des guerres des Balkans et de la Première Guerre Mondiale ; VOÏNIKOV P.,<br />
« Tarikatsko-bulgarski retchnik » (Dictionnaire de l’argot roublard), Rodna retch, vol. 4, 1930,<br />
p. 66.<br />
4 STOÏKOV S., Ibid, p. 48.<br />
5 Dans notre travail sur l’argot bulgare nous avons utilisé l’information de plus de 50 personnes,<br />
hommes et femmes, nées entre 1898 et 1975, ainsi que les matériaux argotiques ramassés par nos<br />
collègues. En même temps, nous avons fait aussi plusieurs enquêtes avec environ 500-600<br />
étudiants de Sofia, Rousse, Bourgas, Varna, Plovdiv, Pernik, etc.<br />
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