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LES LANGAGES DE LA VILLE<br />
paradoxes ("Des parapluies construits en pierre" 1 , pl. 2…), ainsi qu’à diverses<br />
métaphores inventives, en particulier pour dépeindre la boucle de l’Aar : "Le vieux<br />
serpent fait croître une vie colorée" [pl. 3]. De même, les éléments iconiques de la<br />
plaquette révèlent une esthétisation marquée : jeu sur la perspective des grandes<br />
vignettes (voir par exemple le travail sur la profondeur dans la représentation des<br />
arcades [pl. 2]) ; diversification de leurs angles de vision (alternance de contreplongées<br />
[pl. 1] et de plongées [pl. 3 et 4] dans les panoramas du centre-ville…) ;<br />
composition chromatique contrastive et harmonieuse de ces mêmes grandes<br />
vignettes [cf. pl. 1, 4 ou 5], avec un équilibre entre les tonalités chaudes (rouge-ocre<br />
dominant des maisons de la vieille ville) et les tonalités froides (bleu constant du ciel<br />
ou vert de la végétation)… Comme le montre la reproduction de la couverture en<br />
annexe, à lui seul le logo de Berne est symptomatique d’un tel traitement artistique<br />
des éléments iconiques. Disposé en chiasme au bas gauche de la page avec les<br />
couleurs symboliques de la ville (jaune et rouge), il est reproduit en miroir dans la<br />
partie supérieure de la page, avec une incrustation en palimpseste des monuments<br />
représentatifs de la ville. Bref, qu’il s’agisse du signifiant de la plaquette ou de son<br />
contenu dénoté, tout est mis en œuvre au profit d’un beau-dire généralisé ou d’un<br />
"paradis-langage" (Spitzer, 1978) apte à éveiller le désir envers la destination<br />
touristique ainsi exaltée.<br />
c) Humaniser<br />
Dans la plaquette sur Berne, l’éloge de la ville se fait enfin par son<br />
humanisation, susceptible de la rendre plus attachante et plus proche des<br />
lecteurs/touristes potentiels. Celle-ci consiste pour l’essentiel à produire l’image<br />
d’une "cité à dimension humaine" [pl. 1] dans laquelle l’espace urbain prolonge<br />
celui de ses occupants selon une symbiose euphorique. Sur le plan actantiel, la<br />
plaquette met constamment en scène un topos prédominant : celui de la promenade,<br />
lequel témoigne d’une appropriation ambulatoire de la ville par les flâneurs. Le<br />
premier îlot rédactionnel de la planche 3 est typique à cet égard :<br />
À quelques minutes à pied de la gare déjà, on se promène au bord de la rivière,<br />
sous les arbres, entouré de nature. En suivant le cours d’eau, on longe bientôt le<br />
jardin botanique. En le remontant, on arrive au zoo Dählhölzli.<br />
Sur le plan thymique, ce leitmotiv de la flânerie se traduit par le plaisir du<br />
marcheur : "Se promener à l’ombre des grands arbres […] est tellement agréable"<br />
[pl. 3]… Plus largement, ce sont les activités les plus diverses qui paraissent baigner<br />
dans un hédonisme ambiant : "Apprécier les délices culinaires" [pl. 2] – "Vous<br />
pourrez déguster les nouvelles tendances de la vie culturelle" [pl. 4]…<br />
L’humanisation de Berne est ainsi entièrement axée sur le faire gratuit et gratifiant<br />
du loisir, d’où toute idée d’activité contraignante est absente.<br />
En fin de compte dans cette plaquette, l’éloge de la ville aboutit à<br />
l’élaboration du topos global du locus amoenus, avec ses traits stéréotypés : lieu<br />
microcosmique, idéalisé, esthétisé et euphorique. Mais alors que le locus amoenus<br />
classique se caractérise par sa fermeture (pensons au Forez de L’Astrée d’Honoré<br />
d’Urfé), le locus amoenus urbain construit par l’instance énonciatrice de la plaquette<br />
est ouvert sur l’extérieur, comme l’indique l’un des titres de la planche 5 : "Berne :<br />
la capitale au cœur de la Suisse, au cœur de l’Europe".<br />
1 Il est ici question des arcades du centre-ville.<br />
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