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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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La secon<strong>de</strong> source théorique à laquelle puise Page est une série <strong>de</strong> travaux publiés en 1873 par un<br />

autre chirurgien britannique, James B. Paget (1814-1899), portant sur la « neuromimesis » (A. Young,<br />

1995), terme qui désigne un phénomène survenant dans <strong>de</strong>s circonstances particulières et rares,<br />

amenant <strong>de</strong>s patients à présenter <strong>de</strong>s symptômes imitant certaines pathologies. Transposant cette<br />

théorie aux acci<strong>de</strong>nts ferroviaires, Page formule l’hypothèse selon laquelle la peur serait à même <strong>de</strong><br />

provoquer « <strong>de</strong>s symptômes nerveux par la voie d’états hypnotiques volontaires » ; d’où l’apparition,<br />

mais aussi la possible disparition, <strong>de</strong>s troubles répertoriés par Erichsen sous le terme <strong>de</strong> Railway<br />

Spine. H. Page concevait très clairement la neuromimesis comme un mécanisme volontaire, à la<br />

différence <strong>de</strong> Paget qui l’avait décrite comme un phénomène involontaire ; ce faisant, il laissait la<br />

porte ouverte à l’hypothèse insistante <strong>de</strong> la simulation consciemment jouée à <strong>de</strong>s fins d’escroquerie,<br />

même s’il semblait ne pas y souscrire et évoquait un processus s’apparentant plus à une imitation<br />

non intentionnelle <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’acci<strong>de</strong>nté.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Il serait pourtant exagéré <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> H. Page le premier tenant d’une explication purement<br />

<strong>psychique</strong> du trauma ; car si l’émotion, en l’occurrence la peur, semble constituer pour lui la cause<br />

première <strong>de</strong>s troubles, ce qui continue d’importer pour lui c’est la recherche <strong>de</strong>s atteintes<br />

somatiques engendrées par celle-ci. Et, récusant fermement les thèses d’Erichsen quant à la<br />

localisation spinale et lésionnelle <strong>de</strong>s atteintes, il ne cessa <strong>de</strong> s’attacher à rechercher la nature <strong>de</strong><br />

celles-ci, persuadé qu’étaient sans doute en cause <strong>de</strong>s perturbations chimiques ou nerveuses<br />

secondaires (Harrington, 2001).<br />

Il n’empêche, malgré l’oubli rapi<strong>de</strong> dans lequel semble être tombée l’hypothèse neuromimétique,<br />

Page représente un jalon important dans l’histoire <strong>de</strong>s premiers <strong>essai</strong>s d’autonomisation <strong>de</strong>s<br />

pathologies traumatiques ; car son <strong>travail</strong> est à la charnière <strong>de</strong>s modèles chirurgicaux<br />

essentiellement fondés sur l’hypothèse <strong>de</strong>s lésions organiques anatomopathologiquement<br />

circonscriptibles et <strong>de</strong>s constructions neurologiques mettant l’accent sur les troubles fonctionnels<br />

<strong>de</strong>s fonctions supérieures corticales. Il inaugure ainsi un recentrement significatif <strong>de</strong> la question<br />

étiologique <strong>de</strong> la moelle vers le cerveau, le passage du Railway spine au Railway brain, avec la<br />

proximité que cela introduisait avec certaines pathologies mentales (entendues comme corticales)<br />

telles l’hystérie 1 .<br />

Jusqu’à lui, le domaine <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> chemin <strong>de</strong> fer était l’apanage presque exclusif <strong>de</strong>s<br />

chirurgiens et, à travers eux <strong>de</strong>s théories somatiques. En portant l’accent sur l’importance <strong>de</strong> la peur<br />

dans la genèse <strong>de</strong>s troubles, Page eut l’immense mérite pour <strong>de</strong> nombreux neurologues <strong>de</strong> proposer<br />

une vision alternative aux positions organicistes jusqu’alors dominantes, sans pour autant invoquer<br />

<strong>de</strong> façon systématique la simulation quand celle-ci ne pouvait être prouvée.<br />

1 Plusieurs auteurs, comme H.F.Ellenberger (1994), ont assimilé H. Page à un tenant <strong>de</strong> la thèse <strong>de</strong> l’hystérie, ce<br />

qui semble aller bien au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong> sa pensée, ne serait-ce que parce que ses références étaient du domaine <strong>de</strong> la<br />

chirurgie bien plus que <strong>de</strong> la psychiatrie.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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