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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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Il apparaît que les patients ne peuvent pas croire, ou pas complètement, à la réalité d’un événement,<br />

si l’analyste, seul témoin <strong>de</strong> ce qui s’est passé, maintient son attitu<strong>de</strong> froi<strong>de</strong>, sans affect et, comme les<br />

patients aiment à le dire, purement intellectuelle, tandis que les événements sont d’une telle nature<br />

qu’ils doivent évoquer en toute personne présente <strong>de</strong>s sentiments et <strong>de</strong>s réactions <strong>de</strong> révolte,<br />

d’angoisse, <strong>de</strong> terreur, <strong>de</strong> vengeance, <strong>de</strong> <strong>de</strong>uil et <strong>de</strong>s intentions d’apporter une ai<strong>de</strong> rapi<strong>de</strong> pour<br />

éliminer ou détruire la cause ou le responsable. 1<br />

Ainsi, la très gran<strong>de</strong> majorité <strong>de</strong>s « spécialistes » contemporains <strong>de</strong> l’ai<strong>de</strong> <strong>psycho</strong>logique aux <strong>victime</strong>s<br />

s’accor<strong>de</strong>-t-elle pour affirmer qu’à l’encontre <strong>de</strong> l’attitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> neutralité à adopter dans la plupart <strong>de</strong>s<br />

situations cliniques, la distance émotionnelle, la non intervention, le silence, etc., représentent<br />

autant <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>s d’être à proscrire, au profit d’une position marquée au contraire par une présence<br />

et une implication actives, sans lesquelles le victimé risque <strong>de</strong> se trouver renvoyé massivement et <strong>de</strong><br />

façon insupportable à sa détresse, au sens winnocottien du terme (C. Damiani, 1997 ; F. <strong>Le</strong>bigot,<br />

2005).<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

<strong>Le</strong> long prologue <strong>de</strong> la Confusion <strong>de</strong> langue, que Ferenczi consacre aux problèmes<br />

transféro/contre-transférentiels avec certains <strong>de</strong> ces patients, nous invite à aller plus loin dans la<br />

réflexion et à <strong>de</strong>voir nous <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r jusqu’à quel point les règles classiquement <strong>de</strong> mise dans la<br />

plupart <strong>de</strong>s <strong>psycho</strong>thérapies ne font pas courir le risque que ne se reproduise la confusion initiale : si<br />

l’ensemble <strong>de</strong>s dispositions cliniques traditionnelles (cadre, consignes, techniques…) ne peuvent pas<br />

donner lieu au développement <strong>de</strong> ce qu’il faudrait alors appréhen<strong>de</strong>r comme une nouvelle<br />

confusion <strong>de</strong> langue, entre victimés et thérapeutes cette fois.<br />

Car ce que Ferenczi a mis au cœur <strong>de</strong> cette rencontre, et en cela il ne pouvait sans doute pas être<br />

compris par son époque, ce n’est pas l’exigence éthique due au patient névrosé <strong>de</strong> ne pas prendre<br />

parti dans son débat moral, sinon pour l’ai<strong>de</strong>r à en rechercher les origines dans son histoire, mais la<br />

relation <strong>de</strong> pouvoir. L’aventure thérapeutique avec les patients abusés est celle d’une rencontre<br />

« au risque » <strong>de</strong> l’emprise. Tous ses <strong>essai</strong>s d’aménagement <strong>de</strong>s règles et du dispositif <strong>de</strong> la cure<br />

classique (l’analyse réciproque, l’invitation faite au patient d’exprimer ses critiques, s’interdire les<br />

interprétations toutes faites…) ten<strong>de</strong>nt à cela : établir une relation thérapeutique dont les règles<br />

puissent appartenir aussi au sujet, à l’inviter à y prendre sa place et non à se plier à celle<br />

prédéterminée qui lui est accordée.<br />

Mais ces aménagements montrent en même temps à quel point certaines modalités <strong>de</strong> suspension<br />

<strong>de</strong> la présence du praticien comme « personne » ne peuvent pas se concevoir avec les patients<br />

victimés <strong>de</strong> la même façon qu’avec les névrosés, tant il semble impossible, au moins à certains<br />

moments et selon <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong>vant être très clairement précisées, ne pas développer une<br />

implication beaucoup plus active. Nous en avons relevé plus haut un remarquable exemple avec S.<br />

Stewart.<br />

1 S. Ferenczi (1932) Journal clinique, In (2006) <strong>Le</strong> traumatisme, Petite Bibliothèque Payot, p. 74.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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