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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

Il y a en outre nécessité d’un véritable <strong>travail</strong> <strong>de</strong> traduction <strong>de</strong> ces éléments en un langage<br />

qui s’adresse à un ou <strong>de</strong>s tiers, mais aussi au sujet lui-même, car il faut aussi qu’il se reconnaisse dans<br />

l’image que le certificat va donner <strong>de</strong> lui. Chaque mot, chaque expression, doivent être soupesés<br />

pour parvenir à rendre compte à la fois <strong>de</strong> son histoire et <strong>de</strong> l’impact <strong>de</strong> celle-ci, et <strong>de</strong> ce dont il<br />

souffre à la fois en termes <strong>de</strong> symptômes et <strong>de</strong> vécu subjectif.<br />

Ce doit même être à notre avis une condition préalable à toute rédaction <strong>de</strong> ce type, et elle exige<br />

d’être explicité d’emblée : d’une part, (cela va <strong>de</strong> soi mais il faut le lui préciser), le certificat lui sera<br />

remis à lui et à lui seul, à sa charge d’en faire ce qu’il veut ; en outre il doit être informé qu’il <strong>de</strong>vra le<br />

lire et donner son accord sur son contenu, au mot près, et qu’en cas <strong>de</strong> désaccord il aura toute<br />

liberté non seulement <strong>de</strong> le dire, mais <strong>de</strong> <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r, et d’obtenir, <strong>de</strong>s corrections dont la nature sera<br />

discutée avec lui. Y a-t-il <strong>de</strong>s éléments manquants, <strong>de</strong>s éléments qu’il ne veut pas voir figurer, <strong>de</strong>s<br />

mots ou phrases qui le gênent ou avec lesquels il est en désaccord ? Tout peut être révisé, à la<br />

condition que le praticien continue bien évi<strong>de</strong>mment d’être en accord avec ce qu’il modifiera <strong>de</strong> son<br />

écrit initial. Ce fut le cas avec une patiente pour laquelle il fallut <strong>de</strong>s échanges quasi quotidiens <strong>de</strong><br />

messages via internet pendant plusieurs semaines, pour parvenir à une formulation satisfaisant à<br />

toutes ces exigences.<br />

Mais c’est aussi pour le sujet l’occasion d’appréhen<strong>de</strong>r quelque chose <strong>de</strong> la représentation que le<br />

praticien se forme <strong>de</strong> lui et <strong>de</strong> son problème, ainsi que <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong> son engagement<br />

professionnel et personnel. Est-il prêt à mettre le poids <strong>de</strong> son autorité, <strong>de</strong> soutenir face à <strong>de</strong>s tiers<br />

ce qu’il dit comprendre, contre l’incompréhension à laquelle se heurte le patient ? Il est clair ici<br />

qu’une dimension <strong>de</strong> la relation thérapeutique, conçue sur le modèle <strong>de</strong> l’analyse, s’en trouve mise à<br />

mal, celle qui veut que le praticien doive rester un « anti-objet » et se dérober sans cesse au « rôle<br />

d’objet auquel aimerait le fixer le patient », pour reprendre les propos d’A. Green (cité par Denis, p.<br />

37). C’est ce pourquoi aussi la rédaction peut en être si délicate, car à un certain niveau, implicite,<br />

elle doit n’en pas rester à un regard objectivant et tenir, aussi, d’une restitution au sujet <strong>de</strong> l’idée que<br />

le praticien s’est formé <strong>de</strong> son problème et <strong>de</strong>s origines <strong>de</strong> celui-ci.<br />

Un tel engagement expose sans doute au risque d’une surimplication dans la relation au<br />

patient, ainsi que <strong>de</strong> faire <strong>de</strong> la consultation un espace militant, <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> parti politique ou sociale,<br />

qui en perdrait dès lors tout son pouvoir « thérapeutique ».<br />

Cependant, à la condition <strong>de</strong> ne pas se prendre pour le « bon objet », le sauveur ou le « redresseur<br />

<strong>de</strong> torts », <strong>de</strong> bien en peser les motifs et les conséquences possibles et <strong>de</strong> limiter cette forme d’acte<br />

aux situations dont l’on pense que professionnellement elles se justifient d’ai<strong>de</strong>r le sujet à sortir<br />

d’une impasse qui ne tient pas à lui, ces risques sont limités.<br />

Il conviendra également <strong>de</strong> bien prendre certaines précautions minimales indispensables comme :<br />

- <strong>de</strong> s’assurer que l’on ne se substitue pas ou l’on n’entre pas en concurrence avec un autre<br />

professionnel (un expert par exemple) ou à une instance <strong>de</strong> décision ;<br />

- ne pas émettre <strong>de</strong>s avis à caractère juridique, policier, etc., comme <strong>de</strong> désigner une personne<br />

comme auteur si elle n’a pas déjà été condamnée.<br />

Alors le praticien en <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> sera légitimé à intervenir « dans le réel » (D. Zucker, 2001)<br />

ou à jouer activement le rôle <strong>de</strong> « témoin solidaire » (A. Miller, 2004), ce qui, si l’on prend comme<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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