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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

<strong>Le</strong>s <strong>de</strong>ux entretiens suivants, qui seront les <strong>de</strong>rniers, la voient émerger très rapi<strong>de</strong>ment<br />

<strong>de</strong> l’envahissement <strong>psycho</strong>traumatique dans lequel elle se trouvait. Elle en est d’autant plus<br />

surprise qu’elle se sent même mieux qu’avant l’agression, comme libérée <strong>de</strong> quelque chose <strong>de</strong><br />

lourd qu’elle traînait <strong>de</strong>rrière elle sans véritablement s’en rendre compte, laissant à penser<br />

qu’une authentique cartharsis s’est opérée (L. Crocq, 2003), non seulement par rapport à<br />

l’agression, mais aussi à <strong>de</strong>s aspects anciens <strong>de</strong> son histoire. L’on peut alors faire l’hypothèse<br />

que la question du praticien a agi comme une interprétation-élaboration dans la mesure où<br />

elle a rendu explicite un pan jusque-là non conscient <strong>de</strong> son histoire et, ce faisant, a permis à la<br />

patiente <strong>de</strong> s’en dégager.<br />

Doit-on pour autant penser que ce sentiment ancien aigu d’injustice constituait un facteur<br />

prédisposant au vécu traumatique <strong>de</strong> l’agression ? Ce serait confondre vécu traumatique <strong>de</strong><br />

l’événement et vécu victimal du parcours et c’est ce <strong>de</strong>rnier qui ouvre un accès à cette<br />

dimension <strong>de</strong> son histoire et non l’inverse. En quoi l’explicitation <strong>de</strong> l’ « axiome » « injustice »<br />

lui permet-elle <strong>de</strong> se dégager <strong>de</strong> son expérience victimale est une autre question… Mais l’on<br />

peut formuler l’hypothèse que le <strong>travail</strong> sur son vécu d’injustice en lien avec la situation<br />

présente, lui a permis, rétroactivement <strong>de</strong> donner sens <strong>de</strong> préjudices à un ensemble<br />

d’expériences anciennes qui n’étaient jusqu’à présent pas parvenues à se formuler comme<br />

telles.<br />

D’un commun accord le suivi est suspendu sous réserve <strong>de</strong> le reprendre ultérieurement en cas<br />

<strong>de</strong> nécessité, ce qui, <strong>de</strong>ux ans après, ne s’est pas produit<br />

Exemple N° 46<br />

Mme Z. : un exemple <strong>de</strong> séquence d’investissement subjectif du parcours<br />

judiciaire 1<br />

Il s’agit d’une femme d’une quarantaine d’années. Elle s’adresse à la consultation suite à<br />

une agression <strong>de</strong> la part <strong>de</strong> l’ami d’une <strong>de</strong> ses « copines ». A la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> cette <strong>de</strong>rnière, qui<br />

voulait quitter son ami et avait peur <strong>de</strong>s réactions <strong>de</strong> celui-ci, elle se rend à son domicile et, au<br />

bas <strong>de</strong> l’immeuble, se trouve prise dans une altercation entre les <strong>de</strong>ux personnes. Elle tente <strong>de</strong><br />

s’interposer et reçoit sans savoir d’où il vient un coup violent à la pommette. Choquée, elle<br />

s’enfuit dans son véhicule, démarre et se rend compte après un bref temps qu’elle saigne<br />

abondamment. La plaie quelle découvre alors en se regardant dans son rétroviseur parait<br />

grave, elle panique mais a le réflexe d’appeler la police puis <strong>de</strong> se rendre aux urgences. Elle se<br />

rend ensuite à l’association d’ai<strong>de</strong> aux <strong>victime</strong>s locale qui lui conseille <strong>de</strong> solliciter l’ai<strong>de</strong> d’un<br />

<strong>psycho</strong>logue car elle semble gravement perturbée par l’événement.<br />

Lors du premier entretien, elle se présente avec un pansement masquant l’une <strong>de</strong> ses<br />

joues, joue qu’elle tente <strong>de</strong> plus cacher avec une mèche <strong>de</strong> cheveux. Elle relate d’un ton<br />

sthénique et <strong>de</strong> façon logorrhéique ce qui lui est arrivé, puis exprime qu’elle est totalement<br />

obnubilée par la cicatrice qui va résulter <strong>de</strong> ce qui s’est avéré être un coup <strong>de</strong> cutter et qui<br />

altérera <strong>de</strong> façon insupportable et irréversible “la perfection <strong>de</strong> son visage”. Elle ajoute<br />

aussitôt qu’elle n’est pas dans son état normal pour tenir <strong>de</strong> tels propos, qu’elle juge<br />

inacceptables et déplacés, et qu’elle n’aurait jamais exprimés antérieurement. Cependant elle<br />

précise qu’elle a toujours été très soucieuse <strong>de</strong> son apparence et s’est toujours attachée à<br />

avoir un aspect physique « irréprochable » (notamment aucun défaut sur son visage). Cette<br />

blessure est une véritable obsession et elle ne pense qu’au moment où un plasticien<br />

interviendra pour lui rendre son visage d’avant et où ce cauchemar cessera. Elle décrit la<br />

1 Ce cas a été publié dans L. Crocq, <strong>Le</strong> traumatisme <strong>psychique</strong>. Prise en charge <strong>de</strong>s <strong>victime</strong>s, P. Pignol, LM<br />

Villerbu, p.275-286.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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