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Le travail psychique de victime: essai de psycho-victimologie

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une pluralité d’émotions à nulle autre équivalentes : il s’agit toujours <strong>de</strong> l’irruption dans la trame<br />

existentielle commune d’un impossible, d’un imprévisible, d’un inimaginable, etc., parce que la<br />

catastrophe est tout cela par définition, et que nous sommes tous alors, dans notre condition même,<br />

interpellés.<br />

Ca n’est pas un hasard si le caractère potentiellement « contagieux » du trauma a été évoqué par<br />

certains auteurs, sous le terme notamment <strong>de</strong> « traumatisme vicariant », tant la rencontre avec une<br />

<strong>victime</strong> confronte d’emblée le praticien à un afflux émotionnel parfois difficile à « absorber ». Bien<br />

que cette notion, ou ses équivalents, soit fortement contestée par certain auteurs au nom <strong>de</strong> ce que<br />

seule la rencontre avec la mort et la perte subséquente par le sujet <strong>de</strong> son sentiment d’immortalité<br />

puisse être au sens strict du terme traumatique (F. <strong>Le</strong>bigot, 2005) cette vicariance rend compte <strong>de</strong><br />

nombreuses réactions contre-transférentielles ; et qu’elle tienne son mécanisme à une i<strong>de</strong>ntification<br />

au vécu du victimé n’en protège pas pour autant le praticien.<br />

tel-00658758, version 1 - 11 Jan 2012<br />

La neutralité émotionnelle du psy peut alors sembler d’autant plus incontournable qu’elle<br />

parait constituer une protection néc<strong>essai</strong>re, si ce n’était qu’elle risque à l’inverse d’être ressentie par<br />

le sujet comme une indifférence insupportable. Cette distance protectrice se cache parfois <strong>de</strong>rrière<br />

le souci apparemment louable d’éviter au sujet victimé « <strong>de</strong> le faire encore souffrir » en l’amenant à<br />

évoquer les événements, et a d’ailleurs généralement pour effet <strong>de</strong> paralyser toute expression. Mais<br />

elle peut également être le signe d’un émoussement émotionnel décrit dans les phénomènes <strong>de</strong><br />

« burn-out » ou d’usure professionnelle.<br />

Dans tous les cas, la difficulté sinon l’impossibilité, du praticien à entendre l’horreur <strong>de</strong> certains actes<br />

auxquels le patient a pu être soumis, peut renforcer les mécanismes <strong>de</strong> défense à forme <strong>de</strong> déni et<br />

<strong>de</strong> clivage chez ce <strong>de</strong>rnier. Car ce qui vaut pour les sujets <strong>psycho</strong>tiques valant également pour les<br />

patients victimés, ceux-ci n’abor<strong>de</strong>ront certains <strong>de</strong>s aspects <strong>de</strong> leur expérience que s’ils sentent que<br />

le praticien sera en mesure <strong>de</strong> les supporter 1 .<br />

Il arrive cependant à l’inverse, que <strong>de</strong>s sujets, par une perte massive <strong>de</strong> pu<strong>de</strong>ur liée à certaines<br />

formes d’agressions ou encore chez certains par compliance excessive à ce qu’ils pensent être<br />

attendu d’eux, expriment <strong>de</strong>s pans d’expérience bien trop prématurément et en voient leurs<br />

éprouvés <strong>de</strong> honte démultipliés, au risque d’aggraver leur vécu <strong>de</strong> souillure et d’indignité et<br />

d’interrompre le suivi sans retour.<br />

La première <strong>de</strong>s difficultés sera donc <strong>de</strong> parvenir à s’ajuster à cette dimension pathique<br />

massive sans verser, soit dans une émotion débordante qui ne serait que le reflet en miroir <strong>de</strong> celle<br />

éprouvée <strong>de</strong> façon paniquante par la <strong>victime</strong>, soit dans une distance apparaissant tout aussi<br />

inappropriée parce qu’elle risque d’alimenter les vécus <strong>de</strong> solitu<strong>de</strong> et d’abandon inhérents à toute<br />

expérience victimale.<br />

Sans doute la première condition est-elle <strong>de</strong> ne pas s’effrayer, ni se culpabiliser, <strong>de</strong> ces mouvements<br />

émotionnels parfois si intenses pouvant traverser le praticien, ne pas tenter <strong>de</strong> les censurer comme<br />

intempestifs et parvenir à les utiliser comme <strong>de</strong> précieux indicateurs <strong>de</strong> ce que vit dans l’ici et<br />

maintenant le patient, ou au contraire <strong>de</strong> ce qu’il ne parvient pas à actualiser dans la situation et, s’ils<br />

1 Voir à ce propos H. Searles (1979) : <strong>Le</strong> patient thérapeute <strong>de</strong> son analyste, In <strong>Le</strong> contre-transfert, Paris, NRF.<br />

Pignol, Pascal. <strong>Le</strong> <strong>travail</strong> <strong>psychique</strong> <strong>de</strong> <strong>victime</strong> : <strong>essai</strong> <strong>de</strong> <strong>psycho</strong>-<strong>victimologie</strong> - 2011

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